Votations – Quelques réflexions
Christa Calpini, pharmacienne et ancienne députée | La votation de ce printemps n’ayant pas eu lieu, le menu de ce 27 septembre était copieux: une initiative et quatre référendums !
Le premier objet
L’initiative « Pour une immigration modérée (initiative de limitation) » a été largement refusée, et c’est compréhensible. Mettre un terme à l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) avec l’UE, c’était aussi remettre en cause, via la clause guillotine, les six autres accords des bilatérales I. Or la votation du 9 février 2014 a laissé des traces. On se souvient des conséquences désastreuses pour les milieux économiques, scientifiques ou académiques que l’acceptation de l’initiative « Contre l’immigration de masse » a générées. Ceux qui ont souffert du OUI de 2014 s’en sont souvenus et n’ont cette fois-ci pas sous-estimé le rendez-vous. Ils ont su faire comprendre à la population suisse tout ce qu’elle avait à perdre si elle coupait les ponts avec ses voisins. Négocier avec l’UE reste difficile. La pétition Erasmus signée par 10’000 personnes et remise il y a peu à la Chancellerie en est la preuve. Elle demande que notre pays soit pleinement associé au programme de mobilité de l’UE 2021-2027 afin de favoriser l’égalité des chances pour tous les jeunes en Suisse.
Le deuxième objet
C’était la modification de la loi sur la chasse. C’est un NON qui l’emporte. Pour le citoyen lambda, pas chasseur, ni spécialiste de la faune sauvage, il était difficile de se faire une opinion. Ceci d’autant plus que les débats très émotionnels que l’on a pu écouter ne nous ont guère éclairés. Les partisans affirmaient que la nouvelle loi renforçait la protection de nombreuses espèces sauvages alors que les adversaires disaient le contraire… J’ai voté OUI car l’objectif initial de la révision était d’encadrer le tir des loups qui attaquent des troupeaux de moutons sur les alpages et qu’il faut pouvoir réguler, sous contrôle étatique strict, cette population. Les zones du pays concernées par ce phénomène ont soutenu la loi et les villes ont fait pencher la balance pour le NON. C’est la démocratie !
Le troisième objet
Il concerne la modification de la loi sur l’impôt fédéral direct (frais de garde). C’est un large NON. Si le projet s’en était tenu à l’augmentation des déductions de frais de garde de 10’000 à 25’000 francs par an, cela aurait pu passer mais le rajout d’augmenter de 6500 à 10’000 francs la déduction fiscale générale pour enfants a coulé le tout! Pourtant je connais tant de mamans très qualifiées (leur formation a coûté à la société), qui apporteraient un plus à notre économie et qui renoncent à travailler parce que leur salaire est englouti par les frais de garde. Près de 60% des familles en Suisse paient l’impôt fédéral direct. Elles sont ponctionnées par la progressivité de l’impôt, par les tarifs des structures d’accueil basés sur le revenu imposable et par la limite maximale de déduction des frais de garde. Trop c’est trop ! Il faut remettre l’ouvrage sur le métier en se focalisant sur l’augmentation des déductions des frais de garde car le coût de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale reste prohibitif pour de nombreuses familles.
Le quatrième objet
Il concerne le congé paternité. Les papas auront enfin tous droit à un congé payé de deux semaines à prendre dans les six mois suivant la naissance. Les administrations étatiques et certaines entreprises offraient déjà un congé et cette inégalité crasse de traitement est enfin en partie gommée. Le congé paternité complète l’assurance maternité entrée en vigueur en 2005. Dix jours de congé payés, c’est reconnaître qu’une naissance entraîne davantage de bouleversements qu’un déménagement… Oui, les papas peuvent cuisiner, faire la lessive, s’occuper des enfants, conduire un landau et les mamans apprécient ce partage des tâches: toute la famille y gagne! L’évolution sociale a redistribué les rôles et elle ne s’arrêtera pas. Dans un avenir plus ou moins lointain, nous aurons, comme dans les pays nordiques, un congé parental qui offrira un vrai plus aux couples: le choix!
Cinquième objet
Ceci concernait les avions de combat. Le petit OUI de ce jour mais OUI quand même permettra enfin de renouveler la flotte aérienne qui date de 1978 et 1996. Les F/A-18 doivent être retirés du service vers 2030, c’est donc le bon timing! Le montant de 6 milliards est tiré du budget ordinaire de l’armée sans être pris à d’autres domaines, comme la santé ou la formation. La conseillère fédérale Viola Amherd et les spécialistes l’ont bien expliqué : on ne peut pas assurer la police du ciel avec des jets légers. Ils ne volent pas assez vite, pas assez haut, et la qualité de leur radar est insuffisante. Même l’appareil italien M-346 mis en avant par la gauche n’est pas utilisé par l’Italie pour la police du ciel. Le choix d’aujourd’hui permet à la Suisse, pays neutre et souverain, de prendre ses responsabilités et d’assumer, de manière libre et indépendante, son rôle de sécurité.