Votations du 13 juin – Un sol irréprochable mais moins productif ?
Les enjeux de la votation de la loi sur les pesticides
Propos recueillis par Christian Dick | Le propos de cet article n’est pas de fournir la recette de ce qui est permis, utilisé ou interdit, mais d’exposer la vision des producteurs. Christian Dick a eu le plaisir de rencontrer trois représentants des métiers de la terre, Jean-Marc et Sébastien Badoux qui nous accueillent et Nicolas Flotron, respectivement vignerons et agriculteur.

L’Etat pose des normes, c’est son rôle. Le législateur, la population donc, dans un état démocratique comme le nôtre, peut les corriger ou les améliorer par voies d’initiative. Mais certaines volontés extrêmes doivent être combattues. Comment en sommes-nous arrivés là ? L’Office fédéral de l’agriculture évalue la dangerosité des produits suisses et étrangers. Le glyphosate dont on parle beaucoup et qui est à l’origine de nombreuses décisions et discussions, n’est considéré comme dangereux que comme par exemple lorsqu’il est répandu sur des céréales, pour les sécher, peu avant la moisson, ce qui n’est pas admis en Suisse. Ce produit est utilisé chez nous comme herbicide à une dose très faible et n’est donc pas absorbé par l’homme, du fait qu’il n’est pas épandu sur le fruit ou le céréale. Comment allons-nous faire entre ceux qui utilisent des produits de synthèse et ceux qui souhaitent un sol irréprochable mais moins productif ? C’est, à terme, l’enjeu de la votation. Car si notre sol ne parvient pas à nourrir sa population, il faudra bien importer davantage de nourriture. Peut-être même au détriment des populations qui la produisent. Par ailleurs, les conditions imposées à nos producteurs vaudront-elles aussi pour les entreprises étrangères auxquelles on aura délégué le droit de nous nourrir ? Nos labels bio si nombreux n’étouffent-ils pas le producteur et le consommateur, et correspondent-ils aux exigences de pays tiers ? On peut en douter.

L’ensemble des produits de traitement qui luttent contre la maladie et les insectes ravageurs sont classés en deux catégories, les produits de synthèse (qui pénètre dans la plante et circule dans celle-ci) et les produits de contact naturels (reste en surface et ne se retrouve pas dans la plante) comme le bicarbonate, le cuivre et le souffre. A la fin de la 2e Guerre mondiale, la population a fortement augmenté et s’est considérablement développée. La lutte contre les insectes ravageurs et les maladies s’est intensifiée. La chimie a très clairement augmenté la productivité agricole grâce à ces produits, mais aussi notre espérance de vie, par ailleurs, avec ces médicaments. Des excès ont eu lieu dans le passé, mais l’agriculture suisse fait d’énormes efforts pour s’adapter à des marchés bio et pense à l’urgence climatique. L’agriculteur travaille avec la nature et entretien cet environnement. L’agriculteur n’est rien avec une terre stérile… Mais il a besoin de temps pour s’adapter. Rappelons que les choses ne cessent de s’améliorer depuis plus de 30 ans. Rappelons aussi que le Rhin transporte 65 tonnes de produits chimique et industriel, 20 tonner de médicaments, 20 tonner d’additifs et que seulement une tonne de produits issu de l’agriculture, par exemple. Le rôle de l’Etat est de protéger ses citoyens. Que fait-il ? Des subventions sont allouées pour la protection des sites, l’entretien du paysage et la compensation entre le coût réel d’un produit alimentaire et sa valeur sur le marché. Mais l’Etat est-il en adéquation avec la mission voulue par le législateur, l’auto-suffisance alimentaire ? En n’utilisant plus de produits de synthèse, la production baissera de 20 à 30 %. Les producteurs bio touchent un subside supplémentaire par rapport aux autres. Si l’ensemble de la branche passe au régime « sans produit », les subsides viendront vraisemblablement à manquer. A terme, les paiements directs ne vont pas suffire. La question n’est pas abordée par les initiants. Ceux-ci ne règlent pas non plus les problèmes liés à l’importation de produits alimentaires. En cas d’acceptation des textes, les cultures de colza et de betterave, par exemple, seraient alors durement touchées, voire abandonnées en Suisse. Nous importerions davantage, au détriment des pays producteurs qui ne parviennent pas tous à nourrir leur propre population et qui n’ont pas les mêmes restrictions qu’en Suisse. Le problème est qu’aujourd’hui tout le monde s’occupe de l’agriculture, certains par souci, d’autres par dogme, mais souvent selon une orientation récente. Ne vaudrait-il pas mieux confier la nature à ceux qui la connaissent et la respectent ? Le paysan et le vigneron fournissent beaucoup d’efforts pour le bien de leur production. Ils considèrent que le traitement est une obligation, sans quoi la récolte est compromise. Ils sont cependant en marche depuis de nombreuses années vers une culture saine et respectueuse de l’environnement. Mais comme sur l’homme, des traitements sont nécessaires si le producteur et le consommateur souhaitent un fruit, une récolte ou une vendange. À défaut, ils sont perdus. Ces quelques lignes souhaitent aussi réconcilier des mondes qui ne se connaissent plus vraiment. La vigne nécessite entre dix et douze traitements contre le mildiou, l’oïdium, la mouche Suzukii, les verres de la grappe, les acariens, le boarmie, la flavescente dorée, etc, ce que semblent ignorer certains milieux. Nos interlocuteurs ne sont pas labellisé bio, mais ils n’utilisent plus de produits de synthèse depuis quelques années. L’évolution est en marche, irrévocablement.
