Stéphane Goël – Un tournage à l’autre bout du monde
Colette Ramsauer | Festival du cinéma de Locarno 2018. Pour une quatrième présence au Festival de Locarno en début de ce mois, le réalisateur Stéphane Goël, que nos lecteurs connaissent bien, présentait dans la section Hors concours «Insulaire» son dernier film, tourné dans le Pacifique sud à quelque 700 km des côtes chiliennes, sur l’île Robinson Crusoe décrite par l’écrivain Daniel Defoe en 1719 dans son roman éponyme. Certains de ces habitants sont les descendants d’Alfred von Rodt, un colon bernois débarqué en 1877. Stéphane Goël les a rencontrés. En retraçant le parcours hors pair de leur courageux aïeul, il nous fait découvrir le cadre rude et la beauté des paysages dans lesquels ils ont décidé de subsister. Sur des images à couper le souffle, le texte de l’écrivain-scénariste lausannois Antoine Jaccoud porte littéralement le film. L’acteur français Matthieu Almaric en est le narrateur.
Rendez-vous avec Stéphane Goël, à deux pas de la Piazza Grande, à l’ombre des arbres des Jardins Pioda

Stéphane Goël à Locarno
CR: Est-ce l’histoire d’Alfred von Rodt qui vous a amené sur l’ìle ou est-ce l’île qui vous a fait connaître le personnage?
SG: Au départ c’est l’île, l’île du Robinson de Daniel Defoe qui m’avait fasciné quand j’étais gamin. Une envie d’ailleurs qui ne m’a pas quitté. Plus tard, j’ai appris que l’île avait été colonisée par Alfred von Rodt, un ancien mercenaire qui quitta le confort d’une famille d’aristocrates bernois, fin du IXXe siècle. Il avait fait de l’île son «petit royaume» comme il l’appelait.
Je suis allé là-bas, puis j’ai fait des recherches d’archives à la Burgergemeinde à Berne. Les quelques correspondances d’Alfred von Rodt, essentiellement des lettres à sa famille, ont servi de base à l’écriture d’Antoine Jaccoud pour un texte fort, entre fiction et réalité, à la première personne, qui fait de «Insulaire» un film fragile, plus risqué, que mon précédent film «Fragments de Paradis» par exemple.
CR: L’île ne permet pas une explosion démographique. Comment les habitants ont-ils reçu l’équipe de tournage et finalement le film dont la diffusion risque d’engendrer un tourisme cinématographique?
SG: La légende universelle de Robinson a déjà créé le tourisme et un biotop unique au monde a attiré les botanistes. Les habitants accueillent volontiers les visiteurs mais ne veulent pas de ceux qui, sur un territoire hostile, utiliseraient les uniques ressources, comme le juteux commerce de la langouste par exemple. Ils les appellent «les Plasticos» allusion aux arrivants qui leur avaient amené la matière plastique! Si l’île veut rester un modèle de vie, elle doit préserver ses richesses. Ceci dit, elle reste totalement dépendante du continent. J’ai retrouvé là-bas une familiarité étonnante avec notre Suisse insulaire. J’y vois un effet miroir, une métaphore.
CR: Du temps de votre jeunesse, vous étiez projectionniste au cinéma du Jorat de Carrouge. Les habitants du village qui lisent notre journal vous connaissent bien. Verront-ils prochainement votre film?
SG: Bien sûr, je leur présenterai le film. Ils auront droit après la première mondiale ici à Locarno à une première romande, bien avant Lausanne. Ce sera le mercredi 19 septembre à la grande salle de Carouge.
Locarno le 6 août 2018, 34° à l’ombre
Autres présences romandes à Locarno
Grâce à l’association lausannoise Climage qui soutient la création et la diffusion de films documentaires engagés, et dont est membre Stéphane Goël, on a pu voir à Locarno «Les Dames», long métrage de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond. Après «La petite chambre» avec l’acteur Michel Bouquet en 2010, les deux réalisatrices donnent la parole aujourd’hui à cinq femmes se retrouvant seules après des années de vie de couple.
Au concours national des courts-métrages, dans la section Pardi di domani, le jeune cinéaste élève de l’Ecal Lou Rambert Preiss (au cinéma d’Oron en mai dernier avec «À nos Aînés» 20’) montrait son nouveau court-métrage «Ici le chemin des Ânes» 22’. Son film se voit nominé pour le Prix européen du cinéma 2018. Nos félicitations et vœux vont au jeune réalisateur.
CR