Des pertes en bouquets évitées

Photo © Thomas Cramatte
Thomas Cramatte | Bonne nouvelle, la crise de la quarantaine n’impacte plus les commerces floraux. A nouveaux ouverts depuis le 27 avril, leurs fermetures au début du printemps avaient eu l’effet d’une bombe. Période vitale pour tous jardiniers, paysagistes, horticulteurs et fleuristes, ils ont bien cru qu’on leur coupait l’herbe sous les pieds. Mais pour éviter une perte trop importante, les professionnels de la branche verte ont redoublé d’ingéniosité.
Production perdue
« Ceux qui ont subi le plus de pertes, ce sont les producteurs », explique par téléphone Jonathan Ducret depuis ses serres de Palézieux. Les jardineries sont devenues un symbole depuis le début de cette crise. Si les personnes, exerçant une profession de première nécessité, étaient au centre de la tempête coronavirus, le second rôle revient probablement au milieu floral. Car, pour les personnes travaillant dans ce secteur, le printemps est le clou du spectacle. Voilà des mois que les plantes attendent la période de floraison sous les serres de Suisse romande. Prête à être livrée, l’interruption d’une grande partie des commerces a brutalement interrompu leur vente. En grandissant, les plantes nécessitent plus d’espace pour absorber la lumière. Ne pouvant être livrées, certaines ont malheureusement fini au compost. Pour les producteurs floraux, la tempête Covid-19 a fait plus de mal qu’une catastrophe naturelle. Pourtant, ils sont de plus en plus habitués par des mésaventures dévastant les cultures. Mais les producteurs n’étaient pas prêts à encaisser un tel fléau. « L’annonce du 16 mars a précipité les choses, il a fallu réagir rapidement pour ne pas essuyer une perte trop importante de notre production », communique le responsable de la jardinerie de Palézieux.
Fermeture expédiée
Les professionnels de la branche sont restés trop longtemps sans réponse. Depuis le début de la crise, le Conseil fédéral a informé que chaque corps de métier doit être informé via les associations faîtières. Pour Nicolas, de Kissling Fleurs & Cie, l’Association suisse des fleuristes a tardé à informer ses membres. « Nous ne savions pas si nous pouvions continuer à livrer ou pas. Mais, il a bien fallu prendre une décision rapidement », déclare Nicolas Kissling. Dans le doute et pour garantir la sécurité des employés et celle des clients, le magasin de fleurs a décidé d’interrompre l’entier de ses prestations à partir de la mi-mars. « Dès l’annonce de notre fermeture, nous avons observé un élan de solidarité. Les clients sont venus en nombre pour chercher des fleurs. C’était émouvant de voir à quel point les gens peuvent être solidaires ». Comme environ 90% des entreprises suisses, le magasin de fleurs d’Oron a dû recourir au chômage partiel. Mais pour le gérant, cette période de semi-confinement n’a pas réduit son temps de travail. Car en tant que spécialiste du bonsaï, le travail autour de cet art japonais ne peut être interrompu. « J’ai continué à travailler à 100%. Des centaines d’arbres de clients sont en pension ici, les plantes se moquent bien du coronavirus ». Fleurs et plantes sont des produits hyper périssables, sans un travail quotidien, les pertes auraient été considérables. Pour permettre aux clients de contempler leur bonsaï chez eux en période de confinement, Nicolas Kissling a imaginé un système de retrait sans contact. Sur rendez-vous, un guichet construit en palette permettait de retirer son précieux bien.
Le printemps refleurira

Si les pertes financières sont pour le moment impossible à chiffrer, celles-ci devraient représenter au minimum 15% du chiffre d’affaires annuel. « Il est important de trouver des solutions pour éviter toute répercussion à long terme », argumente le fleuriste. Du coup, la réouverture des magasins de fleurs voit l’arrivée d’une pléthore d’astuces pour contrer le coronavirus. Avec l’arrivée de la fête des Mères, les professionnels de la main verte sont soucieux de pouvoir pratiquer leur métier tout en respectant les mesures d’hygiène. Si une grande partie de leur chiffre d’affaires est réalisé au mois de mai, cette année 2020 signera un paradoxe dans la branche. Car si les clients doivent faire la queue pour offrir quelque chose à maman, les risques de contracter la maladie seront forcément plus élevés. « Nous avons décidé de passer cette fête des Mères uniquement sur commande. Deux lignes téléphoniques seront activées pour répondre aux commandes de la clientèle et deux guichets de retrait seront en service samedi et dimanche », annonce Nicolas Kissling. Cette période de pause depuis la mi-mars aura été propice à la créativité et à la philosophie. Du temps à disposition pour repenser le commerce de demain, ou pourquoi pas, le sujet d’un nouveau livre ?