Rébecca, le pouvoir du silence
Noa Enrique, Jonas Foulques – Georg Editeur

Monique Misiego | Ce n’est pas la première fois que des académies de police sont vertement critiquées pour leur management, spécialement celle de Savatan. Des insultes, des coupes et blessures, des remarques sexistes, ce roman est inspiré de faits réels. Il dresse un tableau peu élogieux d’une académie de police, en racontant l’histoire d’une aspirante de police. Celle-ci est déterminée à tout révéler, pour briser cette omerta sur les dysfonctionnements évidents de son école. Ces académies sont faites pour former les policiers de demain, ceux qui devront garantir la loi, ceux qui doivent eux-mêmes être irréprochables. Et ces gens qui les forment, eux, ne devraient pas l’être? L’histoire se déroule en France, mais on fait immédiatement le lien avec l’académie de Savatan. dans laquelle sont formés les policiers genevois, vaudois et valaisans. Cet ouvrage est écrit conjointement par Noelia Miguel et Frédéric Maillard, sous des pseudos, qui sont psychologue d’urgence et analyste institutionnel. Ils savent donc de quoi ils parlent. Ces deux professionnels sont connus pour leurs vives critiques sur la gestion de cette académie de Savatan. Depuis plusieurs années, ils recueillent des témoignages d’anciens aspirants, de policiers encore en exercice et d’anciens employés. De quoi parle-t-on? Des dérives présumées de cette institution et de son personnel. Dérives qui ont été dénoncées à plusieurs autorités. Pourquoi un roman? parce que Noelia Miguel n’a pas pu transmettre comme elle voulait l’urgence de la situation. Elle espère, par ce roman, laisser une trace. Les faits dénoncés font frémir: observés ou vécus par le personnage principal, Rebecca, on y découvre des inspecteurs misogynes et violents, des coups réguliers sur les aspirants, des insultes, du harcèlement. La direction de l’école couvre son personnel de façon éhontée, soucieuse des apparences et voulant imposer un mangement militaire à cette formation. Même si tous les incidents rapportés sont réels, tous n’ont pas lieu à Savatan. Elle n’a pas le monopole de la mauvaise gestion, affirment les auteurs qui se défendent de vouloir focaliser sur cette école. L’objectif est de faire comprendre que le silence fait beaucoup de dégâts. Et que c’est souvent la honte qui empêche les victimes de témoigner ou de dénoncer. Même si c’est le seul moyen de faire cesser ces pratiques, beaucoup n’osent pas, par honte d’exposer ce qu’ils ont subi. Comme d’habitude, ce sont les victimes qui prennent double peine. La honte d’avoir subi et la honte de dénoncer. Dans les remerciements, il est mentionné 28 témoins: policiers, policières municipaux, régionaux, nationaux, gendarmes, militaires et membres d’unités spéciales. 34 experts scientifiques des domaines juridique, politique, sociologique, économique, historique, médiatique, pénitentiaire et de soin préhospitalier. C’est dire si ce roman n’a pas été écrit sur un coin de table. Un très bon roman, donc toute ressemblance avec des personnages réels…