Portrait – Laurent Toplitsch, passeur d’images

Laurent Toplitsch © Luc Chessex
Il est 10h du matin ce jeudi 25 octobre.
Colette Ramsauer | Je me rends au Zinéma à Lausanne où j’ai rendez-vous avec Laurent Toplitsch, maître des lieux.La barbe fleurie, physique entre l’homme sage et le forain, il m’accueille en me servant un petit café. L’entretien, visant à mieux faire connaître à nos lecteurs celui qui gère également le cinéma d’Oron, peut commencer.
Cinéphile passionné
Depuis octobre 2006, Laurent Toplitsch gère le cinéma d’Oron avec le talent d’un équilibriste. Repourvoir les copies numériques de films, l’affichage, mais aussi le bar et tout ce qu’exige un cinéma, en plus de la mise à jour chaque semaine de la programmation. Malgré tout, le côté cinéphile passionné demeure prioritaire dans la programmation des films et les activités annexes proposées: invitation de réalisateurs, d’acteurs, de personnes concernées pour débattre avec le public, font de lui un passeur d’idées à Zinéma/Lausanne depuis 2001, au cinéma d’Oron depuis 2006, plus récemment à Neuchâtel (2016) et à Genève (2018).
Mutualiser les risques
Pour le licencié en sciences politiques de l’UNIL, qui suivit dans les années 90 les cours de Freddy Buache à la Cinémathèque suisse et qui ne tarda pas à fréquenter les festivals, le fait marquant de sa vie furent ses études en Chine alors sous le règne du très pragmatique Deng Xiaoping. On comprend ainsi mieux son intérêt pour le cinéma chinois. Des films documentaires sur l’art chinois contemporain tel A Long Way Home – à l’affiche – nous ouvrent les yeux sur les enjeux du monde. « Je m’efforce en priorité de créer un équilibre entre les films grand public, pour enfants, et les films d’auteurs dans la programmation, diversifier l’offre, mutualiser le risque artistique mais aussi économique. Si un film ne marche pas, un autre doit marcher à tout prix. C’est pourquoi j’ai partagé l’ancienne salle du cinéma d’Oron en deux salles plus petites de 50 et 30 places en 2008 ».
Pour tous publics
Un petit multiplexe à la campagne qui réjouit le public, cinéphile ou non, et où les enfants peuvent venir fêter leur anniversaire. Laurent Toplitsch organise par ailleurs des projections scolaires en partenariat avec le collège d’Oron: «Un travail ponctuel et invisible mais bien réel. Pour parler d’un film récent, des élèves sont venus voir le film «L’école des philosophes» de Fernand Melgar. Les enfants découvrent le film en salle, puis ils en parlent en classe avec leur professeur. Parfois un film pour les écoliers passe simultanément dans les deux salles et même deux fois de suite, suivant le nombre de professeurs intéressés». Il y a parfois des films difficiles, comme Chien de Samuel Benchetrit, en avril dernier : « C’était un pari. Peu de personnes ont vu le film, mais cela les a interpellées. Pour 15 ou 150 spectateurs, c’est le même acte. Je suis content car c’est là l’essence de mon travail, transmettre ma passion du cinéma ».
Initié au Capitole
Cette passion ne date pas d’hier: «J’étais très jeune, 10 ans, mon père m’emmenait voir des péplums ou des westerns le dimanche après la messe». Des séances au Capitole à Lausanne, où nombre de petits Lausannois découvraient le cinéma, quel film a-t-il plus précisément en mémoire?: «Spartacus, de Stanley Kubrick». Et parmi les nombreux films qu’il a vus dernièrement, lequel sort du lot?: «A Locarno, j’ai vu Sophia Antipolis, un film du réalisateur français Virgil Vernier. C’est le nom d’une ville futuriste des années 70, au sud de la France. Il va sortir prochainement. Je me réjouis de le projeter au cinéma d’Oron!».
Quelle histoire!
CR | Comme nombre de cinémas en Suisse, le cinéma d’Oron est né après la guerre. Le 7e art reprenait vie. La population sentait le besoin de se divertir. Dès 1950, la salle obscure orontoise – entièrement en bois – comptait 300 places! Inimaginable pour une salle à la campagne. Il y eut un temps où elle n’avait pas bonne réputation car on y passait des films X. Un incendie – la colère de Dieu? – mit fin à ces pratiques. Dès lors propriété de l’assurance ECA, la salle fut réduite à 100 places. Fondée le 6 avril 2006 à Oron-la-Ville, l’Association du cinéma d’Oron est sans but lucratif. Le cinéma est soutenu par la Loterie romande, l’ECA, la commune d’Oron et des membres de soutien. Tout un chacun peut devenir membre en versant la somme de 60.- par année. Le prix des places est alors réduit à 10.- au lieu de 16.- et le café, thé offert à chaque projection. http://www.cinemadoron.ch