Opinions
La gratuité des transports publics, une fausse bonne idée ?

David Contini, avocat, membre des Vert.e.s de Pully | Dans le canton de Vaud, l’initiative pour des transports publics gratuits a récolté plus de 17’000 signatures et a été officiellement déposée le 12 janvier 2022. Au regard de la Constitution, sa validité est encore incertaine et on ignore à ce jour si le peuple vaudois sera amené à voter sur cet objet. Mauvaise nouvelle ?
Selon les initiants, la mesure est à la fois sociale, puisqu’elle augmenterait le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi écologique, car elle diminuerait les émissions carbone, en favorisant un report de la voiture sur les transports publics.
La gratuité coûterait environ 350 millions de francs par an, soit 3% du budget cantonal. Les initiants entendent la financer par trois moyens :
– les excédents du canton,
– une contribution des entreprises,
-la suppression des déductions fiscales pour frais d’utilisation des transports publics.
Premièrement, si le canton a certes des réserves, elles ne sont pas inépuisables. Obtenir des excédents implique une bonne gestion comptable et un marché financier optimal, ce qui n’est jamais garanti sur le long terme.
Deuxièmement, de quelle manière la « contribution transport » des entreprises sera prélevée et auprès de quelles entreprises ? Même s’il est vrai qu’elles sont en partie responsable du déplacement des travailleurs, il ne faut pas oublier que le télétravail a tendance à s’étendre. De plus, les transports sont également utilisés pour les loisirs, et par des habitants d’autres cantons ou pays.
Enfin, la suppression des déductions fiscales diminuera tant le pouvoir d’achat de la population qui ne prend pas les transports publics, notamment pour cause de mauvaise desserte, que celle qui les emprunte pour se rendre à l’extérieur du canton.
La mesure ne devrait donc pas améliorer le pouvoir d’achat des Vaudois, bien au contraire.
Quant au climat, sera-t-il vraiment préservé ? Verra-t-on une ruée des chauffeurs se tourner vers les bus, trams et trains ? Les expériences à l’étranger nous indiquent que cela n’est pas toujours le cas.
Des études menées à Hasselt en Belgique (77’000 habitants), Dunkerque (200’000 habitants) en France, Tallin en Estonie (500’000 habitants), ont démontré que les coûts des tickets n’ont que peu d’influence sur la décision de remplacer la voiture par les transports publics. Souvent, les trajets en transport public durent 2 à 6 fois plus longtemps qu’en voiture, ajouté au fait que certains endroits sont mal desservis, il devient difficile pour la population d’abandonner sa voiture.
Le Luxembourg nous donnera peut-être une réponse. Ce pays de 600’000 âmes est le pays d’Europe totalisant le plus de véhicules par habitant. 47% des déplacements professionnels sont effectués en voiture. Depuis le 1er mars 2020, les transports publics sont gratuits dans tout le pays. Le Luxembourg a aussi investi massivement dans le développement du réseau ces dernières années. C’est donc bien sur l’offre des transports publics qu’il faut miser et pas uniquement sur son prix.
Il est malheureusement encore trop tôt pour faire un bilan complet de cette mesure; la crise du coronavirus et l’instauration du télétravail généralisé a rendu toute comparaison vaine.
Si l’initiative pour la gratuité des transports publics dans le canton de Vaud a le mérite de vouloir réduire les déplacements en voiture et par conséquent, la pollution qui en découle (CO2, oxydes d’azote, et autres particules fines), elle risque malheureusement de se tromper de cible. Les cyclistes et piétons seront certes ravis de se déplacer en bus ou en train, mais il n’est pas certain que les chauffeurs suivent la tendance. Avant d’envisager la gratuité, il est primordial de développer les réseaux dans les communes décentralisées notamment, car ce n’est qu’avec une offre égalitaire dans toutes les régions, que la gratuité des transports pourrait être envisagée.
De quoi l’écologie est-elle le nom ? L’impact sanitaire de la crise écologique

Luca V. Bagiella, candidat au Grand Conseil et au Conseil d’Etat pour la liste consciences-citoYennes | Avec le retour du beau temps, des oiseaux qui chantent, de la neige qui fond et qui laisse sa place aux bourgeons, il est difficile d’entendre les cris d’alerte des mouvements écologiques. Et pourtant, il serait maintenant nécessaire et urgent d’établir un lien entre nos modes de consommation et l’acidité des sols, de l’air, de l’eau. Ce qu’on touche, respire et avale. En effet, notre goût effréné d’une certaine conception du bonheur entretient en nous un voile d’illusion.
Qu’est-ce que ce voile d’illusion ? Il touche à l’image de soi et à l’image que l’on veut transmettre à l’autre. Ces deux images que certains distinguent sont pourtant bel et bien unies. Il s’agit de notre besoin de reconnaissance, de notre besoin d’être aimé. Malgré son abstraction apparente, ce besoin s’inscrit dans un système de valeurs issu des principes économiques. Or, aujourd’hui, qu’est-ce qui a de la valeur dans ce système ? La possession d’argent et toute la représentation qui tourne autour du pouvoir d’achat. Ensemble, elles constituent – si l’on veut bien être honnête – les fondements convenus de ce que signifie une vie réussie. A partir de là, nous sommes enclins à nous adapter à un système qui nous incite à la compétitivité, au paraître et au consumérisme. Dès lors, le voile d’illusion dont il est question ici est le fruit d’un conditionnement social qui relie nos représentations de ce qu’est une vie réussie avec l’idéal économique de la société de consommation. Plus précisément, le caractère illusoire de ce voile vient du fait que nous ne sommes pas conscients d’avoir été happés par une logique fantasmagorique et toxique qui nous emprisonne.
Lorsque l’on consomme comme on le fait depuis longtemps, cela génère énormément de déchets. Même si une douceur s’installe à nouveau, que les jours se rallongent et qu’un allègement des mesures Covid se profile à l’horizon, ces déchets s’accumulent bel et bien et ont un impact sur les cycles naturels. Il me paraît essentiel de comprendre et de ressentir les liens intimes qui existent entre toutes choses. Mon but ici est de montrer que ces liens sont facilement effacés par notre quotidien qui nous centre à l’excès sur nos individualités. A cela vient s’ajouter la focalisation, depuis deux ans, sur la crise du Covid. L’un et l’autre nous font perdre de vue l’importance de l’impact écologique direct sur nos vies. Nous pensons ici principalement aux maladies de civilisation comme le cancer (près de 10 millions de morts par an dans le monde) et les maladies chroniques. Outre la conséquence évidente des déchets sur la santé, il faut aussi tenir compte des effets dévastateurs de l’usage des pesticides, de l’élevage intensif (qui débouche régulièrement sur des épizooties), de la pollution chimique, de l’usage des plastiques et des produits-poison dans la vie quotidienne, la malbouffe (excès de sucre et de sel dans les plats cuisinés), les effets des radiations nucléaires…
Au départ, tout est parti d’une certaine idée du progrès. Malheureusement, ce dernier n’a pas été suivi par une évolution des consciences et de l’éthique qui en découle. Plus précisément, ce progrès a été perverti d’emblée par des considérations principalement économiques. Tellement économiques que nous nous sommes retrouvés face à un système qui a tout à gagner à rendre les gens malades puis à tenter de les guérir, afin d’engendrer des profits colossaux. Il est difficile de ne pas songer au pompier pyromane !
C’est face à ce douloureux
constat d’aliénation de l’homme et de la nature qu’est né le réseau consciences-citoYennes, il y a douze ans
(www.consciences-citoyennes.ch). En plus d’une attention particulière à l’enjeu écologique, notre mouvement a dans son programme les thématiques de la culture à travers l’éducation, d’une gouvernance plus démocratique et d’un modèle socio-économique plus juste.
Il n’y a pas d’âge pour être vieux !

Tristan Gratier, directeur de Pro Senectute Vaud | Il est d’usage de définir les différentes étapes de la vie selon des âgée prédéfinis: le bébé devient enfant vers deux ans, puis ce dernier se transforme en adolescent vers 12 ans pour ensuite devenir adulte. Une personne est considérée comme âgée lorsqu’elle atteint la retraite, entre 60 et 70 ans. Bien réels dans leur dimension évolutive, certains stades, notamment celui de la vieillesse, peuvent néanmoins se transformer en frontière qu’il est parfois difficile de franchir tant elle est redoutée.
Car finalement, ne sommes-nous pas tous « le vieux » de quelqu’un ? Dans les yeux d’un bambin (et encore davantage lorsqu’ils atteignent la puberté !), ses parents sont souvent des dinosaures et ses grands-parents des fossiles ! A 40 ans, l’âge de la retraite paraît extrêmement lointaine, alors qu’à la soixantaine il semble parfois difficilement imaginable d’emménager dans un logement protégé.
Malgré l’infinité de possibilités pour rester jeune en apparence, grâce à la chirurgie esthétique, les cellules poursuivent leur processus de vieillissement de manière inéluctable. Mais il arrive fréquemment que l’on ne ressente pas l’âge de son corps. Combien de fois ai-je entendu des retraités affirmant « Pro Senectute, c’est pas pour moi, c’est pour les vieux ! ». Dans ce cas, la vieillesse est souvent connotée de manière négative. « Vieillir » rime donc souvent avec « décrépir » et bien évidemment « mourir ». On oublie qu’elle peut aussi être synonyme de « sourire ».
En effet, la jeunesse est aussi un état d’esprit. Je le constate quotidiennement dans ma fonction, lorsque je rencontre des retraités qui veulent vivre avec leur temps, en prenant des cours sur leur tablette ou en étant actifs sur les réseaux sociaux. D’autres préfèrent s’engager bénévolement, de manière locale, dans une activité spécifique ou auprès d’autres seniors.
Malgré certains « bobos du quotidien », il y a chez ces personnes une véritable envie de vivre, d’être utiles et intégrées à la société.
Pour la première fois, nous vivons dans un monde dans lequel cinq générations se côtoient. C’est une chance !
En essayant de surpasser les clivages et les stéréotypes, pour favoriser le dialogue, chacun peut s’enrichir de l’expérience de l’autre.