Opinions
Réforme de l’impôt anticipé

Lionel Noguera, avocat au barreau de Luxembourg, membre OAV Oron-la-Ville | La réforme entend supprimer l’impôt anticipé uniquement sur les revenus d’obligations. Les obligations sont des titres d’emprunt, des papiers-valeurs de dette, souvent cotés en bourse, qui paient un intérêt chaque année exactement comme on paie à la banque un intérêt sur un prêt. Elles sont émises par de grandes entreprises, des Etats ou des collectivités publiques.
Une obligation est aussi ce que l’Administration fédérale des contributions désigne comme telle: toute personne qui emprunte au moins 500’000 francs (en tout) à plus de dix personnes aux mêmes conditions peut être considérée comme ayant émis une obligation et elle doit alors, lorsqu’elle paie des intérêts à ceux qui lui ont prêté, retenir l’impôt anticipé à 35% et le verser au fisc.
Seules ces personnes pourront voir leur accès à l’emprunt facilité par la réforme, parce qu’un investisseur étranger qui achètera ces obligations ne verra plus le revenu de son investissement amputé d’une retenue de 35% dont le remboursement est effectivement
complexe à obtenir.
La loi soumise à votation ne vise absolument pas les dividendes, c’est-à-dire les bénéfices des entreprises que se partagent leurs actionnaires après que l’entreprise ait payé toutes ses charges. Ces dividendes resteront soumis à l’impôt anticipé exactement comme aujourd’hui, c’est-à-dire dans une conception particulièrement large qui touche absolument tout avantage un tant soit peu anormal que s’octroierait le dirigeant-actionnaire de l’entreprise. La traçabilité fiscale des dividendes n’est donc pas affectée.
L’intérêt sur une obligation étant un pourcentage fixe ou variable déterminé un peu comme sur un prêt hypothécaire, la porte que la réforme ouvrira à la fraude à l’impôt en Suisse par non-déclaration d’intérêts sur obligations gagnés par un investisseur (vu qu’il n’y aura plus, pour cet investisseur vaudois ou zurichois,
d’impôt anticipé à récupérer) reste en général petite.
Même si la porte est petite, il reste surprenant que le Conseil fédéral accepte de l’ouvrir sans aucune contrepartie (comme une forme d’échange d’informations avec le fisc), donc qu’il accepte en conscience un potentiel limité de soustraction fiscale, en échange d’une augmentation hypothétique de la compétitivité de la place helvétique pour les cotations obligataires dont l’impact concret restera limité.
Une émission obligataire par une entreprise n’exige aucune présence dans le pays d’émission. L’entreprise devra y avoir des avocats pour finaliser le document d’émission (appelé « prospectus ») et gérer sa revue et son approbation par la bourse, et des banques pour gérer les flux financiers et la communication avec les investisseurs via la bourse. Il ne s’agit donc pas d’attirer un fort volume d’activités entièrement nouvelles, mais plutôt de permettre aux grandes banques suisses de développer à domicile une activité qu’elles ont aujourd’hui plutôt dans leurs bureaux étrangers.
L’énergie consacrée à des sujets pareils pourrait être investie mieux et à moindre coût dans l’élimination de certains pièges du droit fiscal qui concernent un plus grand nombre de gens, propriétaires d’entreprises en société, grandes et surtout petites. Ces pièges sont connus depuis des décennies et frappent notamment dans des situations de contrôle où l’enchaînement des différents impôts fait qu’une même erreur du contribuable est en réalité sanctionnée d’une double ou triple peine.
Cadeau fiscal et perte de pouvoir d’achat : c’est non !

Jean Christophe Schwaab, vice-syndic de Bourg-en-Lavaux | Le 25 septembre, nous votons sur deux objets fiscaux. Ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre (si ce n’est d’être soumis au vote du peuple le même jour), mais sont symptomatiques d’une tendance à baisser la charge fiscale des grandes entreprises tout en augmentant celle des personnes physiques, vous et moi, et des PME.
Nous votons tout d’abord sur la suppression de l’impôt anticipé. Cet impôt ne concerne qu’une petite poignée de très grandes entreprises : 200 à peine, alors que notre pays en compte près de 590’000. En outre, cet impôt est, comme son nom l’indique, anticipé : il est remboursé aux contribuables qui déclarent ensuite correctement leurs revenus. Ceux qui sont honnêtes ne paient donc rien. Au final, ne paient vraiment l’impôt anticipé que ceux qui ne déclarent pas tout. Il s’agit donc surtout de ceux qui trichent. Généralement, ce ne sont pas des entreprises suisses, mais des ressortissants étrangers, souvent de richissimes oligarques. En supprimant l’impôt anticipé, on leur fait donc un cadeau… et on les incite à tricher. C’est un cadeau qui coûtera fort cher : les pertes de revenus seront d’environ 800 millions de francs par an, alors que la Confédération, dont les finances sont déjà péjorées par le covid, s’attend à un déficit record de plus de 7 milliards de francs ! En outre, de l’aveu même du Conseil fédéral, 500 des 800 millions de perte attendue iront directement hors de Suisse.
Le même jour, nous votons sur une augmentation de la TVA pour financer l’AVS (même si celle-ci a fait des bénéfices de plusieurs milliards de francs ces dernières années). Or, augmenter la TVA, c’est péjorer le pouvoir d’achat de tout le monde, sans distinction. Cette hausse est particulièrement mal venue dans un contexte d’inflation galopante : les prix de l’électricité et du carburant explosent, les primes LAMal vont encore augmenter alors que ni les salaires, ni les rentes ne sont indexés complètement. Ce n’est donc pas le bon moment de baisser notre pouvoir d’achat, à plus forte raison si c’est, pour les femmes et les couples mariés en tout cas, pour devoir attendre une année de plus avant de toucher l’AVS. Je voterai donc non à la suppression de l’impôt anticipé et à la réforme « AVS 21 ».