Les impressions du petit Nicolas
Le roi du pain d’épice

Propos recueillis par Rosane Schlup | Aujourd’hui, mon frère qui est plus grand est rentré de son camp de ski et il nous a raconté. L’année passée, il se réjouissait des sauts et du ski. Cette année, il se réjouissait des sauts, du ski et de la boum. Il voulait prendre une jolie chemise et le « sent bon » de papa, sauf que là, c’est maman qui était pas d’accord. Je la comprends maman, parce que le « sent bon » de papa, c’est le « sent bon » de papa. Je crois qu’il est cher aussi, mais pas autant que celui de maman. Je comprends mieux papa quand il dit que maman elle a du nez et qu’elle sent bien les choses. La preuve, c’est qu’elle en a trouvé un de « sent bon » rien que pour mon frère. Du coup, mon frère était content de partir avec ses skis et sa chemise et tout et tout. Papa a dit que ça ressemblait à une véritable expédition au Pôle Nord. Ça a l’air trop stylé le Pôle Nord, mais ça fond et les ours blancs disparaissent à vue d’oeil. J’ai vu ça à la télé. J’espère qu’il y aura encore quand je serai grand pour aller aussi en expédition. J’irai avec papa. Le ski, c’était bien. Il y avait de la neige pour les sauts et les bosses. Papa a voulu savoir si mon frère avait eu du succès à la boum avec son « sent bon » et il regardait maman avec son sourire spécial codé qu’on connaît mais qu’on sait pas décoder, mais qu’on saura quand on sera grand. Il a voulu savoir si mon frère avait dansé avec le balai. Ça m’a fait rigoler parce que mon frère, il aime déjà pas le passer sous la table de la cuisine le balai, alors danser avec, ça le fait vraiment pas ! Mon frère, il a pas fait la boum à cause du concours de croûtes d’oreilles. Il a été malade. Il a voulu faire le concours de celui qui en mangeait le plus et après il a attrapé une indigestion et il a dû rester dans son sac de couchage au dortoir pendant que les autres faisaient les sacs au réfectoire avec les balais. Moi, j’ai dit qu’il avait sûrement pas eu de succès avec sa chemise, son « sent bon » et « son » balai et qu’il voulait pas nous raconter. J’ai dit que c’est pas possible de faire une indigestion de croûtes d’oreilles. Ça se mange pas. C’est aussi pas possible que de faire une indigestion de crottes de nez et que c’est pas bien de mentir. Papa a dit qu’il valait mieux entendre ça que d’être sourd et il s’est mis à chanter « Nicolas, Youpla Boum, c’est le Roi du pain d’épice »… Et là, je sais pas pourquoi, ils ont tous éclaté de rire en même temps en me regardant. C’est maman qui m’a expliqué, mais après, quand elle a enfin fini de pleurer des yeux. Maman elle pleure des yeux quand elle rit trop. En gros, c’est le nom d’une recette très ancienne avec des tranches de pain, de l’œuf, du sucre, du lait, de la cannelle et ça s’appelle « croûtes dorées » ou aussi « pain perdu » et elle a dit que c’est ce qu’on mangeait à l’époque, mais pas la sienne, celle encore d’avant avant. Elle a dit qu’elle m’en fera une fois. Elle est chouette maman, quand j’ai des bonnes idées, elle les note dans un cahier spécial et là, elle a dit que dorénavant, elle appellera cette recette « les croûtes d’oreilles de Nicolas » et que c’est trop mignon. Moi, j’espère surtout que c’est trop bon et que si je fais le concours avec mon frère qui est plus grand, c’est moi qui vas le gagner. J’ai une chance, ça avait pas l’air de trop l’enchanter mon frère, de le refaire ce concours. Nicolas, 7 ½ ans