L’argent dénature-t-il le sport ?
AC | Le sport est devenu une activité marchande. Retour sur un débat de haute qualité qui a eu lieu le week-end dernier au CIO, sur un sujet qui fait polémique et qui divise le monde entier.
Le sport n’est plus culture. Car le sport s’est divorcé de la culture. Et comme la majeure partie des causes de divorces, l’argent a été le moteur de cette séparation… Le divorce dont les premiers symptômes de cette déchirure ont été perçus il y a maintenant près de 100 ans a eu au fil des années des bienfaits dans le monde du sport. Création
d’emplois, visibilité dans les médias, impacts économiques positifs font que le sport garde une santé de fer. Mais le sport possède aussi son lot de casseroles. Corruption, mafia, champion-
nats parallèles ont bouleversé l’ensemble du milieu. Le sujet a été débattu lors de la table ronde organisée par le Panathlon le samedi 18 avril dernier au CIO à Lausanne.
Lors de cette séance, animée par Karin Suini, porte-parole du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et du sport, de grande qualité non pas uniquement due au sujet mais aussi à la présence d’acteurs au bénéfice d’expériences significatives dans le milieu sportif, le sujet très vaste, qui reste compliqué, a permis de voir combien les gens sont conscients du problème de l’argent dans le milieu du sport et la volonté de faire «changer» les choses. «L’argent bouleverse le sport et l’ensemble de la société», témoigne Fabien Ohl, professeur UNIL et doyen de l’institut des sciences du sport. L’argent change la théorie et la pratique. Il y a de l’argent dans le sport depuis très longtemps. Mais face aux enjeux médiatiques, le sport reste une pratique culturelle très malléable qui a changé dans le temps, du fait du comportement des individus face à l’argent. «L’argent, bien utilisé, c’est un bien pour le sport» argumente Henry Peter, avocat et professeur à l’UNIGE. Faire de l’éducation sportive, préparer la relève, soutenir des actions font que l’argent dans le sport, même ambivalent, est un bien nécessaire. Cependant, il y a une trop forte concentration d’argent sur certains sports et donc une mauvaise redistribution. A cela s’ajoute le comportement de certains individus face à l’argent et les dérives qui ont dénaturé le sport. Avant, le problème ne se posait pas vu que l’argent dans le domaine n’était pas à ce niveau. Il y avait encore une certaine transparence entre les organisations sportives. Les joueurs et les arbitres avaient un comportement beaucoup plus éthique face à l’argent. La mafia dans le sport, la corruption et les paris truqués ont eu raison et ont fait perdre à beaucoup d’athlètes et à leur entourage les valeurs de base à savoir que l’on fait du sport par passion et non pour l’argent. L’athlète ne se développe plus en tant qu’individu mais en tant que produit. Les fédérations, dont certains présidents ont un statut identique à celui d’un chef d’Etat, ont donné une dimension politique au sport; elles sont aujourd’hui considérées comme des entreprises à part entière qui doivent être gérées comme des entreprises. L’argent ne dénature donc pas le sport, mais le sport est devenu une machine à fric très prospère. Alors comment faire en sorte que le sport comme on l’aime ait un avenir? Comment rendre les organisations plus vertueuses? Les réflexions sont nombreuses. La plus essentielle étant par le biais de l’éducation. Une formation des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants afin qu’il y ait à tout niveau de la hiérarchie la même sensibilisation, la communication. Car en montrant les dérives on peut plus
facilement les neutraliser.
On ne manque pas
de solutions pour améliorer
la situation. On peut avoir toutes les envies possibles et imaginables, mais si à un niveau supérieur cela ne suit pas, cela va être compliqué…