La petite histoire des mots
Séisme

Georges Pop. | Les récents tremblements de terre en Valais sont venus nous rappeler que la Suisse n’est pas à l’abri des séismes, surtout dans les régions alpines; mais pas seulement! Le tremblement de terre de 1356 à Bâle reste la catastrophe sismologique historiquement la plus importante d’Europecentrale. Non seulement il détruisit la ville le 18 octobre de cette année-là, entraînant la mort de quelque 300 personnes, mais il provoqua de nombreuses destructions dans une vaste région s’étendant à la France et à l’Allemagne. Les tremblements de terre ont longtemps été considérés comme des manifestations divines. Les Chinois, par exemple, pensaient qu’en faisant trembler le sol, les dieux manifestaient leur colère contre l’empereur. Les Grecs de l’Antiquité les rattachaient quant à eux à la mauvaise humeur de Poséidon, le dieu de la mer. Mais certains, comme le mathématicien Thalès de Milet ou le philosophe Aristote, y voyaient déjà un phénomène naturel sans cependant en comprendre les causes. Il fallut attendre le séisme de 1755 à Lisbonne au Portugal, le 1er novembre 1755, qui fit entre 50 et 70’000 victimes pour que l’on commence à s’y intéresser sous un angle plus scientifique. Après le désastre, le premier ministre Sebastia o José de Carvalho e Melo adressa un questionnaire détaillé aux survivants pour connaître la durée du séisme, le nombre de répliques et l’importance des dégâts. Les historiens voient dans cette démarche la naissance de la sismologie. Le mot «séisme» est quant à lui relativement récent puisqu’il n’est apparu qu’à la fin du XIXe siècle. On le doit à John Milne, un ingénieur des mines et géologue britannique qui séjourna au Japon de 1875 à 1895. Il commença à étudier les tremblements de terre à la suite d’une importante secousse qui fit trembler la ville de Yokohama en 1880. On lui doit non seulement le mot «séisme», emprunté au grec «σεισμός» (seismos) qui veut dire «ébranlement», mais aussi l’invention du sismographe à pendule horizontal, capable de détecter différents types d’ondes sismiques et d’estimer leur vitesse. C’est lui qui contribua aussi à fonder la société sismologique du Japon, toujours en activité de nos jours. On sait aujourd’hui qu’il existe trois types de séismes: les tremblements de terre tectoniques, les plus dangereux, qui se produisent lorsqu’une partie de la croûte terrestre se déplace le long d’une faille tectonique; les séismes volcaniques, relativement limités, qui se manifestent lors d’une éruption, et enfin les séismes consécutifs à l’effondrement de cavités dans le sous-sol géologique. Il existe plusieurs méthodes pour mesurer l’intensité d’un séisme, la plus connue – mais non la plus fiable – étant celle inventée en 1935 par l’Américain Charles Francis Richter qui lui a donné son nom. Il faut encore relever que si «séisme» est bien un synonyme de tremblement de terre, le mot peut aussi définir un bouleversement dans l’ordre des choses. Après les élections fédérales d’octobre certains éditorialistes n’ont pas manqué d’évoquer, outre l’incontournable «vague verte», un «séisme électoral» ou un «séisme politique». Le poète congolais de langue française Kama Sywor Kamanda a pour sa part comparé le sentiment amoureux à un tremblement de terre. Selon lui, «L’amour ressemble à un séisme. L’important est de savoir repérer où se situe son épicentre. C’est en cela que nous réinventons le bonheur.»