La petite histoire des mots
Propagande

Georges Pop | L’imminence des élections fédérales stimule la propagande des partis politiques, que ce soit dans la presse, les réseaux sociaux, par voie d’affiches et même dans les boîtes à lettres. C’est une occasion toute trouvée pour évoquer les origines et l’histoire pour le moins étonnantes du mot «propagande» qui désigne de nos jours toutes les techniques – loyales ou déloyales – de persuasions mises en œuvre pour «propager» des idées, une idéologie ou une doctrine. A l’origine, il y a le mot latin, «propago», qui veut précisément dire «propager», transmettre ou prolonger. Ce mot latin dérive lui-même de «pango» qui signifie mettre en terre ou planter, dans un sens exclusivement agricole: on plante une graine pour perpétuer une espèce végétale et la «propager» sur un champ cultivable. Il faut attendre le début du 17e siècle pour que «propagande» prenne progressivement un sens idéologique, d’abord dans le domaine religieux par la volonté de l’Eglise catholique. En 1622, le pape Grégoire XV créa la «Congregatio de propaganda fide», la Congrégation de la propagation de la foi. A l’époque, nous sommes en pleine contre-réforme et l’Eglise catholique veut se donner les moyens de récupérer ses brebis égarées. Mais la Congrégation de la propagation de la foi devint très vite aussi un instrument de christianisation missionnaire des peuples d’outre-mer. Par la propagation de la foi, la «propaganda», l’Eglise avait donc un double objectif: amener à elle des populations non chrétiennes, d’une part, et reconquérir le cœur des protestants et les ramener à la «vraie foi», d’autre part. Jusqu’à la Révolution française le mot conserva une acception strictement religieuse puis il prit progressivement le sens de propagation des doctrines et des opinions politiques et laïques dans un sens plus large. Il ne s’attacha cependant la connotation péjorative qu’on lui connaît de nos jours que lors de la Première Guerre mondiale, les belligérants s’accusant mutuellement de propagande, autrement dit d’endoctrinement, voire de lavage de cerveau. Les techniques de propagande furent codifiées et appliquées pour la première fois d’une façon méthodique par le journaliste américain Walter Lippmann et le publicitaire austro-américain Edward Bernays, qui était le neveu du grand Sigmund Freud. Tous deux furent engagés par le président des Etats-Unis, Woodrow Wilson, pour convaincre l’opinion américaine traditionnellement isolationniste d’entrer en guerre. Leur travail et celui des «Comités pour l’information du public» fut tellement efficace qu’une véritable hystérie anti-allemande s’empara de l’opinion publique américaine. Les Etats-Unis entrèrent en guerre aux côtés des alliés en 1917. L’existence sous le régime nazi d’un Bureau de la propagande sous la direction du manipulateur d’opinion Joseph Goebbels contribua à renforcer l’image perfide du terme. Est-il facile d’échapper à la propagande? La réponse est non! Surtout lorsqu’elle s’empare précocement du cerveau des enfants. Méditions sur cette parole de l’écrivain, dramaturge, cinéaste et producteur français Marcel Pagnol: «Tous les manuels d’histoire du monde n’ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements.»