La petite histoire des mots
Animal

Georges Pop. |. Le monde du vivant se meurt. Dans un rapport très alarmiste publié la semaine dernière, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité, qui regroupe des chercheurs de 130 pays, a fait savoir que jusqu’à un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction dans les décennies à venir en raison des activités humaines. Voyons d’abord d’où nous vient le mot «animal» qui est relativement récent. Ce n’est en effet qu’à la Renaissance que ce mot remplaça très progressivement le mot «bête» (ou beste), issu du latin «bestia» par opposition à «homo», l’homme doué de raison. «Bête», qui veut aussi dire stupide, nous a donné des mots parfois peu amènes pour la gent animale tels que bestial, bestialité, bestiole ou encore bestiaire. L’expression «bête et méchant» ne fait-elle pas d’ailleurs aujourd’hui partie des expressions courantes? «Animal» est beaucoup moins malveillant que «bête». Le terme est hérité d’un substantif latin identique qui veut dire «être vivant» et qui dérive de «anima» qui définit l’âme ou le souffle de vie. Rien de surprenant car dans la plupart des civilisations prémodernes, on attribue aux animaux comme aux végétaux les mêmes qualités spirituelles qu’à l’être humain. En français, comme en anglais, le mot «animal» ne s’imposa vraiment qu’à partir du 16e et surtout du 17e siècle lorsque zoologistes et botanistes s’attachèrent à classer méthodiquement les espèces du vivant en cherchant à comprendre ce qui distingue l’animé de l’inanimé, notamment par l’échange de matière. La question, aujourd’hui encore, est entourée d’une part de mystère. Selon le chimiste et biologique américain Steven A. Benner, pour qu’un système moléculaire puisse être qualifié de «vivant», il doit répondre à cinq critère: Il doit être capable de détenir de l’information; être en mesure de la transmettre; apte à exploiter cette information; susceptible d’évoluer et enfin savoir tirer profit de son environnement pour se nourrir et se reproduire. Compliqué, non? Notons encore que le mot «végétal» découle du latin «vegetus» qui signifie «vivant». Quant à son dérivé, le verbe «végéter», lorsqu’il s’applique aux plantes, il signifie croître et respirer. Mais lorsqu’il se rapporte aux humains, il prend une couleur péjorative et veut dire vivoter ou vivre d’une manière amoindrie ou latente. On terminera en remarquant que les sommations au respect des animaux et à la prise de conscience de leur dignité ne datent pas de l’éveil de l’antispécisme. Le grand Léonard de Vinci dont on commémore cette année les 500 ans de la mort à dit ceci: « Le jour viendra où les personnes comme moi regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent aujourd’hui le meurtre des êtres humains ». Ce jour, manifestement, n’est pas encore arrivé…