La petite histoire des mots
Scepticisme

Georges Pop | Le scepticisme est-il encore une attitude sensée face au réchauffement du climat ? Malgré les canicules et les sécheresses, de plus en plus fréquentes, et en dépit des phénomènes météorologiques extrêmes, désormais périodiques, ou encore de la disparition des glaciers et de la fonte accélérée des glaces polaires qui fait monter le niveau des océans, des climatosceptiques se manifestent encore, sur les réseaux sociaux notamment, évoquant des phénomènes naturels, tels que les cycles solaires. Ils sont cependant de moins en moins suivis et parfois même tournés en ridicule. Pourtant le scepticisme, en soi, n’est pas un défaut. Il peut même, dans de nombreux cas, être une preuve d’intelligence.
Le mot « sceptique » nous vient du grec « skeptikos » qui veut dire « contemplation » ou « qui examine ». Il désignait une personne, un philosophe, notamment, qui observe le monde en prenant garde de ne rien affirmer. Dans l’Antiquité, l’adepte le plus célèbre de l’école sceptique fut le philosophe Pyrrhon dont nous ne connaissons que très peu de choses, dans la mesure où il n’a laissé aucune trace écrite. Le mot « pyrrhonisme » est d’ailleurs toujours synonyme de « scepticisme », même si on ne l’entend jamais, en dehors des facultés des lettres. Selon Pyrrhon et ses adeptes, il faut tout comparer et tout opposer, sans jamais rien affirmer, car rien n’est vrai ni faux, ni vrai et faux à la fois, et pas même cette dernière phrase puisqu’elle s’oppose à elle-même… (Il est permis de sourire !).
Dans sa version antique, le principal objectif du scepticisme était de parvenir à la quiétude de l’âme ou « ataraxie », loin des polémiques venimeuses, des incertitudes et de la douleur que peut éprouver la raison humaine face au doute et à l’incohérence apparente du monde. On peut donc affirmer que les « climato-sceptiques » contemporains, de moins en moins nombreux au demeurant, ne sont pas des « sceptiques » au sens antique du terme, puisque, loin d’avoir atteint une forme de quiétude spirituelle, et non contents de contester les démonstrations admises par le plus grand nombre, ils affirment publiquement leurs propres convictions ou croyances.
Dans la pensée française, les mots « sceptique » et « scepticisme » ont longtemps été associés à la doctrine des Grecs pyrrhoniens. Au XVIIIe siècle, dans la littérature, sous la plume de Diderot, notamment, ils furent attribués aux courants et aux personnes qui refusent d’admettre les choses sans un examen critique. Cette définition reste d’ailleurs valable actuellement. De nos jours, il existe un « scepticisme scientifique » qui encourage la pensée critique et entend soumettre chaque théorie à la méthode expérimentale. En France, ce mouvement est connu sous le nom de « zététique ». Ce néologisme, issu du grec « zētētikos » qui désigne « celui qui aime chercher » ou « discuter » a été inventé par le biophysicien français Henry Broch qui, sommairement dit, encourage « l’art du doute » dans chaque démarche scientifique.
Pour en revenir au climat, terminons par cette célèbre citation de l’écrivain, essayiste et humoriste américain Mark Twain, qui s’est distingué par son scepticisme religieux : « A ma mort, je choisirai le paradis pour le climat, et l’enfer pour la compagnie ».