Hand spinner
Aujourd’hui, Marco est venu à l’école tout excité. A Nathan et à moi, il a expliqué que dorénavant, il allait faire plein de LA à ses tests, parce qu’il avait avec lui un truc d’Amérique qui aidait à se concentrer et à se rappeler des choses. Ils sont forts les Américains, il a dit, c’est eux qui sont y allés les premiers dans la lune. Moi, j’ai quand même trouvé ça un peu bizarre qu’ils inventent justement un truc pour qu’on y soit pas, dans la lune. Papa dit qu’il faut se méfier des Américains.
Après, on a été se cacher derrière l’école en petit comité pour voir le truc de Marco de près. C’était décevant. C’était juste une sorte d’hélice toupie qui tourne à toute berzingue et qu’on tient entre le pouce et le majeur en poussant avec les doigts de l’autre main. Ca faisait pas de rayon laser spécial, ça faisait pas de bruit, ça faisait rien du tout, mais bon, Marco a dit que ça marchait et pour une fois il se réjouissait du test de math du matin. Moi, je me demandais quand même comment il allait faire pour écrire sans main.
Quand il a sorti son jouet, la maîtresse a réagi tout de suite en lui disant de le remettre illico dans son sac. «Pas de hand spinner en classe», elle a dit. Marco est resté figé. Je l’ai jamais vu comme ça. Son hélice est restée dans son sac jusqu’à la récré. A la récré, il a pris son roulement à billes à 3 pales, mais comme gardien de but ça l’a pas beaucoup aidé non plus. Il s’est fait sortir du jeu. Il était triste Marco, alors on a essayé de le réconforter en trouvant une autre fonction à son gadget. D’abord, on a voulu voir si ça faisait boomerang et après, mon copain Nathan a eu l’idée de le faire voler depuis la fenêtre de la classe à l’étage jusque dans la cour. Voler, on sait pas si ça a marché, parce qu’on l’a pas encore retrouvé. On cherchera encore cet après-midi.
Pour être à la page et dans le vent et pour que je l’aime très fort, Maman m’en avait mis un dans mon assiette à midi. C’est dur à trouver, elle a dit. C’était un qui venait de Chine. J’ai pas osé lui dire que j’en ai déjà un depuis belle lurette. Le mien, il est artisanal, bipale et je l’ai fabriqué avec ma gomme et mon crayon. Ca demande des réglages fins quotidiens, ma gomme est pleine de trous et mon crayon est très très petit et très très pointu, mais ça se démonte et ça se remonte discret, plusieurs fois par jour. On se frotte les mains très vite avec le crayon entre les paumes. La gomme reste plantée dans le crayon, du coup, elle tourne sans tourner.
J’ai dit merci et j’ai demandé si je pouvais pas plutôt avoir une nouvelle gomme et un nouveau crayon. Maman m’a regardé comme si je débarquais de la planète Mars. Elle était toute chamboulée de pas avoir répondu à mes vrais besoins comme nous a expliqué l’infirmière scolaire. Je l’aime bien Maman , mais je peux pas tout lui dire.
Je me réjouis d’aller en classe cet après-midi avec ma nouvelle gomme, elle est bicolore bleue et translucide et avec mon nouveau crayon, il est tout noir avec en plus une toute petite gomme noire au bout. Si on retrouve pas le jouet de Marco, je lui donnerai celui de midi. Je comprends pas trop pourquoi Papa dit qu’il faut se méfier des Chinois. Mon spinner chinois aidera Marco en calcul mental, ça, c’est obligé. Mon frère qui est plus grand, il a dit que c’est eux qui ont inventé le boulier en premier. Moi, pour me concentrer, j’ai vraiment un truc à la gomme et ça, c’est vraiment pas un truc à la noix…
Nicolas, 7 ans et demi
Propos recueillis par Rosane Schlup