Fête des vignerons 2019 – Philippe Naegele, ferronnier d’art à Chexbres

Propos recueillis par Christian Dick | La forge est une longue histoire de famille : Philippe Naegele représente la quatrième génération, établie depuis 1906 à Chexbres dans la maison actuelle, auparavant une grange. Depuis plus de quarante ans, il crée des pièces uniques sur mesure, du dessin à la réalisation finale. Il prépare sa relève en formant Bertille Laguet, lauréate du prix suisse du design 2017.
Il est spécialisé dans les enseignes, balustrades, girouettes, et réalise sur demande des commandes spéciales qui touchent toutes à la ferronnerie. Il a aimablement reçu le correspondant du Courrier dans sa forge à Chexbres.
Comment la commande de la Confrérie s’est-elle passée ?
En 1977, les hallebardes étaient coulées, c’est-à-dire qu’elles sortaient d’un moule. En 1999, j’étais d’une part Cent-Suisses et d’autre part intéressé à fournir en armes la Confrérie. Nous étions plusieurs en lice. J’ai aligné mon prix sur celui des hallebardes «coulées» et obtenu la commande. Ces armes comme celles de cette année sont des pièces uniques faites de manière artisanale.
Cette livraison t’a-t-elle ouvert des portes ?
En alignant mes prix en 1999, j’ai travaillé à perte. En revanche, j’ai énormément gagné en publicité et en réputation. La quasi totalité des Cent-Suisses portant une pique à la Fête m’ont ensuite commandé une hallebarde. D’autres commandes ont suivi.
La compagnie de Lavaux portait en 1999 une pique, celle de Vevey une hallebarde. La pique est longue de 330 cm, la hallebarde de 247. Les compagnies ont inversé leurs armes cette année. Je m’attends donc à de nouvelles commandes de la part des «piquiers». On retrouve ces armes dans les carnotzets, dans les escaliers, à l’entrée, en général aux places d’honneur.
Il me faut environ 5 heures pour terminer une hallebarde. Je rappelle que chaque pièce est unique. Elles sont tourtes marquées de la Fête des vignerons 2019, creusées de la croix suisse et travaillées artisanalement. Le prix de vente sera d’environ 400 francs.
Es-tu figurant?
Oui, je suis forgeron dans la troupe de la Saint-Martin et porte le costume symbolique du forgeron. Bertille est effeuilleuse et porte un costume d’assistante du forgeron.
As-tu des souvenirs particuliers de la Fête de 1999?
Je faisais partie des Cent-Suisses chanteurs. Je garde de cette Fête d’excellents souvenirs. Des amitiés durent encore, le choeur des Cent-Suisses existe toujours et se rencontrait chaque semaine pour répéter jusqu’à ce qu’un grande partie d’entre nous soit engagée comme chanteur à la FeVi 19.
Lundi 25 mars a eu lieu la remise des armes, c’était la dernière occasion pour le choeur de chanter avant la prochaine Fête. Il faudrait espérer une relève, sans quoi notre groupe risque bien de ne pas durer.
Notre caveau des Cent-Suisses a également contribué à la cohésion du groupe, à son succès et à la fidélité de ses membres. Il sera évidemment ouvert lors de la Fête 2019. Lors de la dernière assemblée générale, nous étions encore environ 60 Cent-Suisses.
Nous sommes également associés aux fifres et tambours de Bâle qui logeaient à Epesses en 1999 et reviennent cette année.
Et en 1977?
Un peu sauveteur et samaritain, j’étais responsable d’une des quatre infirmeries sous le commandement d’un médecin et d’un infirmier. Je portais une blouse blanche et un macaron et pouvais entrer dans n’importe quel caveau, alors qu’ils étaient à l’époque réservés aux figurants. J’ai également pu visiter les arènes, assister aux spectacles et pu prendre énormément de photos. Je me rappelle d’enfants en bas âge portés sans casquette sur le dos de leur père et pris d’insolation. Une autre histoire me revient en mémoire. Une dame a reçu une tuile en verre sur la tête, à l’extrémité ouest de la place du Marché. Elle n’est pas décédée, mais son état était critique. Il a fallu bagarrer avec les poings pour que l’ambulance puisse arriver sur les lieux de l’accident.
Cette année, tu as livré les piques et hallebardes aux Cent-Suisses
Oui. La commission des costumes a également passé la commande des épées et des rapières. Une entreprise spécialisée en confection d’armes anciennes, en Tchéquie, m’a fourni plusieurs modèles. Mme Pugin et la commission des costumes ont ainsi pu faire leur choix. J’ai aussi fabriqué les épées à deux mains qui sont véritablement impressionnantes et apporté les modifications nécessaires pour personnaliser ces armes. La sellerie a été sous-traitée ici à Chexbres.
Il n’y a pas que des armes…
En effet. La Confrérie m’a fait l’honneur de me commander les couronnes des rois qui sont le symbole même du couronnement, et donc le mérite du travail du vigneron-tâcheron. La Confrérie m’a également honoré en passant commande de la crosse de l’abbé-président dessinée par Giovanna Buzzi. La créatrice des vêtements est venue à plusieurs reprises ici, dans ma ferronnerie. Nous avons étroitement collaboré et maintenons d’excellents contacts. Ces rencontres ont toutes été très intéressantes. Je me rappelle même, alors qu’elle travaillait à la confection des costumes entourée de figurants et d’assistants, qu’elle a tout cessé pour venir me saluer.
Aimerais-tu ajouter quelque chose?
Bertille a fait un travail remarquable. Elle a réalisé la finition des dessins et grandement contribué au succès des différentes réalisations. Elle se réjouit beaucoup de participer à cette prochaine Fête. Notre groupe de la Saint-Martin a déjà eu quelques répétitions. Nous sommes environ 500 et 150 me sont déjà connus. Ce sera une Fête magnifique.

