Covid-positif…
Un mois de maladie et deux mois de pause
Thomas Cramatte | Dans la même entreprise, une personne a été transférée aux soins intensifs pendant qu’une autre a appris à vivre en prenant son temps. Sévèrement atteint par le coronavirus, Claude Gremaud a dû faire un séjour de plusieurs jours à l’hôpital de Fribourg, pendant que Sylvia Muller, une de ses employées, apprenait à vivre sans planning ni contraintes. Témoignage. Claude Gremaud a presque entièrement récupéré. L’homme de 60 ans a pourtant souffert du Covid-19 pendant plus d’un mois. Si ce père de quatre enfants est toujours resté optimiste pendant cette mésaventure, il n’en garde pas moins quelques séquelles. « Je rentre dans les classiques de ceux qui ont perdu des neurones dans la maladie », en rigole le coiffeur.

Prémices de la maladie
S’il est difficile d’identifier d’où est venue l’infection, c’est la femme de Claude qui est d’abord tombée malade : « Elle doit probablement l’avoir contractée lors d’une répétition de la chorale de Saint-Martin ». A partir du dimanche 15 mars, Fabienne Gremaud est dans un état proche de celui de la « grippe ». Si elle n’a pas réellement souffert pendant les 3 jours qu’a duré la maladie, il en va autrement pour Claude Gremaud. Le virus s’est pourtant fait timide au début. Hormis une perception différente de certains produits culinaires comme le poivre, l’ail et le sel, il ne présentait presque aucun symptôme jusqu’au vendredi 20 mars. « Ce jour-là, je me suis réveillé complètement à plat. Avec des difficultés à parler et à marcher ». Son médecin, le docteur Marc Polikowski, a traité plusieurs cas d’infections venant de la même répétition. Lorsque le médecin a téléphoné pour prendre des nouvelles, Fabienne n’a pu que lui annoncer que son mari était infecté. « Lorsque Marc Polikowski a vu ma tête, je me suis dit que c’était peut-être plus grave que ce que je pensais. J’avais perdu 8 kg en dix jours, c’était un régime Covidwatcher ». Pour Claude, il était difficile de percevoir son état de santé avec cette maladie. Le médecin a dû ainsi procéder à un test permettant d’observer le taux d’oxygène dans le sang. « Cette fois, c’est sa tête qui faisait peur à voir », s’amuse Claude Gremaud.
Transfert à l’hôpital
Arrivé à l’hôpital cantonal de Fribourg (HFR), Claude est accueilli par une multitude d’experts de la santé. Tout patient venant pour un cas de Covid-19 est transféré aux soins intensifs. « C’était impressionnant de voir avec quelle sérénité le corps médical a géré mon cas. On se sent en sécurité et à aucun moment je me suis dit que j’allais mourir. Le seul moment qui m’a perturbé c’est lorsque les médecins ont parlé de m’intuber ». Mais cette intervention a pu être évitée grâce à un masque spécial. Similaire à un casque de pilote de chasse, cet appareil permet de faire travailler les poumons pour ré-oxygéner le sang. Malgré le fait que le coiffeur d’Oron ne présentait aucun symptôme de toux, la pneumonie était déjà bien ancrée. Durant les six jours que compte son séjour à l’hôpital, Claude a côtoyé d’autres personnes infectées par le coronavirus. Aucune visite extérieure n’était autorisée. « Nous avions tous des symptômes différents dans la chambre ». Le malade, natif d’Oron, souffrait de forte dysenterie ainsi que de névralgie. « Toute ma peau était douloureuse, chaque poil me faisait mal. C’est un peu comme l’après bénichon, mais sans bénichon », plaisante le patron du salon de coiffure.
Retour à la maison
Si certaines personnes atteintes du virus passent plusieurs semaines aux soins intensifs, Claude a eu la chance de pouvoir rentrer rapidement chez lui. « J’ai pu passer le jour de mes 60 ans à la maison, mais la grande fête initialement prévue est tombée à l’eau ». S’il a fallu un mois pour que Claude retrouve l’entier de ses capacités, il garde de cette maladie un aspect positif. « Vu que j’avais perdu la perception du goût, les aliments prennent tout leur sens une fois la maladie passée » Du côté de Sylvia Muller, la période de semi-confinement a pris une toute autre tournure. Si cette mère de quatre enfants a durement travaillé toute sa vie, cette interruption lui a permis de se relaxer et de profiter du printemps radieux depuis son jardin de Savigny. « Je n’ai jamais eu autant de temps pour profiter de la vie, même confinée, cela m’a fait un bien fou de ne plus avoir de timing », souligne la coiffeuse en souriant.
Annonce de fermeture
Lorsque l’annonce du Conseil fédéral est tombée, le salon de Coiffure Gremaud a dû fermer ses portes du 16 mars au 27 avril. « Les débuts de fermeture n’ont pourtant pas été faciles à vivre. Car, avec le nombre de nouvelles anxiogènes véhiculées par les médias, ce virus me faisait peur. Surtout quand j’ai appris que Claude était malade », avoue-t-elle. Mais une fois la première semaine passée, les angoisses liées à la maladie se sont transformées en opportunité. Pour une bonne raison, Sylvia a décidé de se confiner à 100% chez elle. « Par respect pour ma mère qui habite la même maison, je ne suis pas sortie de la maison pendant toute la durée du semi-confinement. Pour les commissions, ce sont mes beaux enfants qui se sont attelés à la tâche ». Cependant, une fois la première semaine de suspension d’activités passée, Sylvia a décidé de prendre le bon côté des choses. De nature optimiste, cette femme de 60 ans a été de l’avant et pris de la distance par rapport aux médias. « Une fois la pression et l’agitation de nos vies retombées, j’ai pris le bon côté des choses en contemplant les merveilles de la nature ». S’il est vrai que ce printemps fut exceptionnellement ensoleillé, l’activité humaine à l’arrêt lui a permis de prendre le temps de vivre.
Jamais autant de congés
Pour la coiffeuse comme pour beaucoup, ce temps à disposition était extraordinaire. Elle qui n’a jamais eu plus de deux semaines de vacances d’affilée, avait soudainement tout ce temps libre pour profiter de vivre. « J’adore mon métier, c’est ma passion depuis l’adolescence. Mais ce fut fabuleux de vivre sans contrainte de timing pendant un moment ». Si la profession de coiffeur est minutée entre les clients, cela génère un stress qui est vivifiant, mais qui peut être épuisant sur le long terme. « C’est la course à la vitesse normalement, mais là, non, on fait les choses tranquillement en profitant de ce que la vie nous offre ». La famille Muller à la chance de posséder un grand jardin permettant de jouir de la verdure avoisinante. Habituellement victime du bruit créé par le trafic routier, celui-ci était d’un calme relaxant. « Pour une fois, on a le temps de lire. Sur le balcon le matin et dans le jardin l’après-midi. C’était magique », communique Sylvia avec émotion.
A nouveau active
Le retour au travail était quelque peu délicat pour Sylvia. Car pour elle, la réouverture des salons de coiffure a été rapide, sachant que le risque d’infection était élevé au vu de la distance étroite avec les clients. Pour ne rien arranger, le matériel sanitaire était difficilement accessible. « Heureusement, Claude a réussi à trouver des masques à temps et nous avons réorganisé nos horaires pour ne pas travailler tous ensemble ». Pour la professionnelle des soins capillaires, c’était déjà un pas en avant de pouvoir travailler avec un masque. « Mais il faut bien admettre que lorsque le salaire arrive, on voit vite que l’on n’a pas le choix que de recommencer à travailler ». Très inquiète lors des premiers jours de reprise, les angoisses de Sylvia ont diminué au fur et à mesure de la première semaine. « Les clients ont joué un rôle important et j’étais contente de les retrouver ». Si Sylvia a apprécié le retour à la vie active, elle garde néanmoins un très bon souvenir de cette pause forcée. Un temps en suspens qui lui a permis de se retrouver en famille, sans agenda à tenir de part et d’autre. Une douce parenthèse qui nous rappelle les valeurs essentielles de la vie.