Coup de Joran sur les Hautes Crêtes
DM | «50 ans de scène » quel beau titre, mais en réalité que signifie-t-il? Et si c’était 50 ans de scène d’existence, avec ses plages, ses soleils, ses couacs, ses doutes, ses chagrins, ses paysages, ses visages et surtout ses rencontres et ses rires. Encore de la nostalgie!
Aznavour annonce sa retraite chaque année. Johnny recape toutes les saisons. Tous veulent se retirer, mais ne peuvent pas, comme une addiction à vivre encore et toujours. Seul Brel n’est pas revenu, mais personnellement je n’ai pas encore envie de griller des poissons avec les vahinés du Lac de Joux! Même le «jeune» Lambiel annonce 20 ans de scène, lui qui a commencé aux Niolus sur Framboise et, surtout, sur la petite scène de l’Entracte, à la calebasse. Vendredi dernier, en traversant les Franches Montagnes, tant de noms de villages sont réapparus dans ma scène intérieure. Quelques gros bistrots, où on se changeait dans la cuisine, avec les potes de la Revue, sont aujourd’hui «A vendre»! C’étaient les vacances d’été, les radios libres, et que sont devenues les femmes idéalistes connues au Café du Soleil, autogéré par les marginaux qui nous berçaient à la damassine? La scène, c’est les cantines imbibées de bière, où tous les «Suisses allemands» écoutent en chantant; les tombolas interminables, les discours politiques, la pudeur d’un organisateur, qui tente un witz atroce. Les caveaux introuvables avec l’ami Juillard, le directeur «pincé» de Thônex avec une boule qui ressort du slip, en jouant Polnareff, malgré les recommandations de Gonin, rêvant du palais Mascotte. La scène, c’est l’ambiance sur Fribourg, où le public bisse trois fois pendant la crème double, et cinquante représentations, même le lundi, à la vieille salle du bistrot de Promasens, où le café noir n’allume plus les feux de la 2CV. La scène, c’est le Valais qui croit qu’il n’a pas d’accent comme la Bleue à Baguette du Val de Travers. La scène, c’est le repas de soutien, les banquiers, les coincés, les théâtres des névrosés et des soprani du chœur mixte; c’est les Revues de Servion, oubliées de Nyon au Mont ou La Nôtre; c’est l’arrière-scène du pur malt pour entendre une minette vous dire les lèvres rougies et envoûtantes: M. Bouillon, vous avez bien connu ma grand-maman, sous le sourire des jeunes loups à M. Christian! La scène, c’est la France des illusions de Coppola, mais aussi les promesses, les rires, les potes disparus ; la scène, c’est fuir la banalité, les horaires, mais rêver au lever et au coucher du soleil. La scène, c’est Toi, l’Ami, la copine, le fidèle, l’éphémère, croisés quand la sono a la prostate ou que la Suze à la gentiane te réveille avant de fuir dans la nuit, parfois cafardeux, seul ou en équipe, chantant «le temps est loin de nos 20 ans» ou «ce soir, mes camarades, mes amis, il va falloir que l’on se quitte» (M. Bühler). La scène, c’est Toi public, sans qui, on ne serait rien du tout, mais c’est surtout ta manne salariale d’applaudissements, qui nous grossit trop souvent le cœur !
Bouillon sera au Comptoir d’Oron du 20 au 24 avril