Bossières – Marcel Marcel Remy, alpiniste de 99 ans
Je suis le seul au monde à faire encore de l’escalade à cet âge, mais c’est naturel !

avec un peu plus de confort
Jean-Pierre Lambelet | Il n’y en a plus beaucoup de ces haltes CFF qu’habitait autrefois le ou la garde-barrière. Elles ne sont aujourd’hui plus qu’un souvenir dans la mémoire des natifs de la première moitié du XXe siècle. Toutefois, celle de Bossière est toujours bien là avec un habitant assez extraordinaire au sens littéral du terme : Marcel Remy. Vous avez surement entendu parler, lu ou même vu à la télévision l’histoire de la famille Remy. Le papa Marcel avec ses deux fils Claude et Yves. Des alpinistes connus et reconnus loin à la ronde. Marcel est né le 6 février 1923 dans le canton de Fribourg. Il a donc entamé sa 99e année. Quand j’ai rencontré Marcel, j’ai tout de suite aimé le regard, à la fois curieux, prudent, précis, déterminé et bienveillant. Et que dire de son thé et du sublime cake au citron qu’il offre généreusement ! Depuis gamin, quand je grimpais dans les arbres, je me suis toujours demandé pourquoi les hommes et les femmes avaient besoin de gravir des montagnes. Pour aller chercher quoi ? Ce qu’il y a derrière, l’ivresse du sommet, la bataille avec le rocher, imiter l’araignée qui s’agrippe à tout ce qui est vertical ou même en surplomb, vaincre sa peur ? Si Marcel n’a pas pu répondre à ma question, il m’a fait découvrir le chemin qui mène à cette joie d’être au contact de la nature, du rocher et de se découvrir soi-même. Durant son enfance, à la halte des Cases, à la sortie nord du tunnel des Avants sur la ligne du Montreux-Oberland-Bernois (MOB), il voyait des hommes débarquer du train et partir vers les sommets environnants équipés pour la varappe. Ça l’intriguait et le passionnait de les suivre du regard et il aurait aimé les accompagner. Mais ses parents avaient une mauvaise opinion de ces fous attachés avec une ficelle… Alors vers les 6-7 ans, avec un copain, ils ont confectionné en cachette une corde d’environ 10 mètres avec des liens qui étaient utilisés pour attacher les vaches et ils sont partis en catimini faire leurs premières excursions d’alpinistes ! En 1942, pendant qu’il déneigeait la ligne du MOB avec son père, un grand malheur arrive avec une avalanche qui détruit tout sur son passage en emportant la maison familiale avec sa maman et sa sœur, toutes deux décédées, tandis qu’avec son père, il sauve de justesse son frère Roland. Marcel reste seul avec son papa et Roland, sans toit, sans habit, sans argent. Des gens l’hébergent de l’autre côté du tunnel en Jor et il commence à travailler sur la Riviera et dans la plaine du Rhône pour finalement s’engager aux CFF.
Et toujours avec le regard tourné vers le haut, vers les sommets
Il commence avec des randonnées, mais il faut plus et l’histoire d’amour avec le massif de l’Argentine commence. En 1945, il part avec un copain pour gravir le Lion d’Argentine. Le copain part en tête. Il est bloqué sur un passage, une fois, deux fois, trois fois… Il dit à Marcel vas-y toi ! Marcel hésite, car il ne se sent pas encore prêt pour faire la course en tête, mais il y va… Et ça passe, et il arrive au sommet en découvrant ce sentiment inconnu et tellement fort d’avoir vaincu ce qu’il pensait comme impossible à ce moment-là ! Par la suite, tout s’est enchainé avec des centaines de courses et d’escalades dans les Alpes, en se perfectionnant toujours un peu plus au contact de nombreux alpinistes de ses amis. Il entraîne également avec lui son épouse et ses deux fils Claude et Yves qui ont aussi attrapé le virus de l’alpinisme avec un V majuscule ! En 2017, à l’âge de 94 ans, donc 75 ans plus tard, l’amour du massif de l’Argentine se poursuit et il gravit le Miroir de l’Argentine, une paroi de 450 mètres classée difficile en compagnie de ses deux garçons avec un retour à Solalex en parapente! Qui dit mieux ? Et aujourd’hui, il grimpe encore deux fois par semaine en salle. Ce n’est pas aussi fun que sur un rocher, mais on peut le faire toute l’année sans les aléas de la météo et en sécurité ! D’après Marcel, la vie est bien faite, car doucement, elle nous enlève quelque chose, mais il reste toujours de quoi être heureux… En conclusion, il me dit : je suis le seul au monde à faire encore de l’escalade à cet âge, mais c’est naturel ! Solide comme un roc !
