A la rencontre des gens d’ici
Sarah (Puidoux)

Georges Pop | « Lorsqu’on me demande quelle est ma profession, je réponds croque-mort ! Je suis très directe ». En dévisageant la jeune femme détendue et souriante, à l’allure sportive, aux yeux clairs et à la longue chevelure blonde, qui tient ces propos, on est transporté à des années lumières de l’image austère et stéréotypée que l’on se fait indûment d’une entrepreneuse de pompes-funèbres. La lecture assidue des albums de Lucky Luke, où les croque-morts apparaissent vêtu d’un solennel costume noir, tenant un ruban mètre pour mesurer l’ultime costume en sapin du défunt, a manifestement laissé des traces. Sarah Joliat vit à Puidoux-Village, avec son fils de 12 ans, dans un coquet appartement décoré avec goût. Il y a dix ans, par vocation, elle a fondé avec un associé les Pompes funèbres du Léman, à Vevey. Et elle ne s’en cache pas : elle adore son métier. « Adolescente, j’avais peur de la mort. J’ai voulu en savoir plus. Jeune adulte, j’ai postulé auprès de plusieurs entreprises de pompes-funèbres, au début sans succès. Mais je me suis entêtée et j’ai fini par être embauchée. Aujourd’hui, j’ai appris mon métier et mon associé et moi avons notre propre entreprise », explique-t-elle, non sans fierté. Il y a quelque chose d’apaisant à entendre Sarah retracer ses journées de travail ; raconter comment, avec délicatesse et patience, elle prend soin des défunts, de leur toilette, notamment, pour les préparer à rejoindre leur ultime demeure ; relater comment, elle et son équipe, entourent les familles endeuillées pour les soulager de toutes les contraintes, notamment administratives. « Chaque fois, c’est une vraie rencontre. Pour moi, les défunts sont présents. Je leur parle ! On fait connaissance… Quant aux familles, elles sont généralement soulagées de découvrir notre côté décontracté. Nous devons rester dignes, mais les mines d’enterrement ne sont pas de mise », souligne-t-elle. Celle qui avoue avoir craint la mort croit-elle en l’au-delà ? Elle répond sans hésitation : « Je suis intimement convaincue qu’il y a quelque chose après la mort. C’est difficile à expliquer, mais je ressens toujours comme une forme d’énergie, en présence d’un défunt. Pour moi, il n’y pas de doute : la mort n’est qu’un passage ». A 41 ans, Sarah précise ne pratiquer aucune religion, sinon celle du cœur. Elle dit ne faire aucune différence entre les familles qui sollicitent ses services, quelles que soient leurs croyances. Il lui arrive aussi d’organiser des cérémonies laïques, sur mesure, en pleine nature, par exemple.Pourquoi vivre à Puidoux-Village ? « Parce que j’aime la nature. Ici, le matin lorsque j’ouvre ma fenêtre et que je redécouvre ce paysage, ces forêts, je suis émerveillée. Ça me donne une force incroyable ». Ce goût de la nature s’applique aussi à son travail : depuis 2 ans, Sarah milite pour rendre légale en Suisse l’« humusation », un procédé écologique qui consiste à restituer les corps à la terre, en les transformant en humus fertile. « Rendre nos corps à la terre dont ils sont issus, quoi de plus logique et de plus naturel ! », conclut-elle, avec un large sourire.