La chalarose et le bostryche mettent à mal nos forêts
Gil. Colliard | Mercredi 7 octobre, le Groupement forestier Broye-Jorat avait réuni les municipaux des forêts et des routes des communes du Jorat, de la région de Moudon et de la Haute Broye, ainsi que les responsables de la voirie afin de les sensibiliser à un nouveau fléau qui frappe activement les frênes de notre région: la «chalarose» ou la «maladie du flétrissement du frêne». Cette maladie fongique n’est pas la seule à faire souffrir les domaines sylvicoles, car cet été particulièrement chaud et sec a été aussi profitable aux bostryches.
Accueillant les nombreux participants à cette information dans la grande salle de Corcelles-le-Jorat, André Jordan, président du Groupement forestier Broye-Jorat, souligna l’importance du problème sanitaire engendré par la «chalarose» qui touche 70 à 80% des frênes, essence dont le canton de Vaud compte le plus grand nombre de tiges de Suisse. Ce fut à Marc Rod, garde forestier du groupement, qu’incomba la présentation de cette maladie apparue graduellement, il y a 2 ans, dans notre région.
Intervention humaine et laisser la nature agir
La «chalarose» (prononcer «calarose») est apparue en Europe, d’abord en Pologne dans les années 2000, avant de se propager jusqu’à nous. Les spores de cette maladie fongique se développent dans la litière et se répandent avec le vent. En l’état actuel des connaissances, aucune mesure phytosanitaire efficace n’existe contre cet agent pathogène. Chaque arbre réagit de façon différente: certains meurent, d’autres, en revanche, se stabilisent l’année suivante. Les arbres malades présentent des symptômes de flétrissement des feuilles qui sèchent rapidement et des nécroses corticales à la base des rameaux. Juillet est la période idéale pour l’observation. Les branches atteintes se cassent tel du verre, devenant un danger, par gros temps ou avec le poids de la neige, pour les arbres situés près des maisons, le long des routes ou des installations. Il devient même périlleux pour le bûcheron d’y grimper. Aussi, il est important de ne pas attendre avant de procéder à l’abattage des plantes atteintes. Par contre, où la sécurité n’est pas remise en cause, le mot d’ordre est de ne pas agir. Des arbres attaqués peuvent s’en sortir et se semer comme on le voit dans les pays où le recul est plus important. Les bois et les branches ne sont pas infectieux. Les spores parasites sont produites sur les restes de feuilles au sol d’où pas de lutte directe possible mais pas d’obligation d’évacuer les arbres morts. Pris assez tôt le bois du frêne garde toutes ses qualités.
Observation, anticipation et collaboration
Christophe Authier, voyer de l’arrondissement Centre, invita les responsables des domaines publics à être vigilants tout particulièrement aux abords des routes, des trottoirs, arrêts de bus, places de jeux, bâtiments, pistes «Vita», sentiers didactiques, etc. D’où l’importance de sensibiliser les propriétaires: Canton, Commune ou privés, et de collaborer étroitement entre les services de la voirie et de la forêt. La DGMR (Direction générale de la mobilité et des routes), bien qu’on soit au tout début de la gestion de cette maladie, met d’ores et déjà à disposition un modèle de convention, du matériel et du personnel. Reynald Keller, inspecteur forestier, rappela l’importance d’une observation régulière et planifiée des endroits stratégiques ainsi que la prise de mesures anticipatives. En ces temps de préparation de budgets, les communes doivent prendre en compte leur devoir d’assurer la sécurité de leurs propres installations et provisionner en ce sens.
Un été de tous les dangers pour les peuplements d’épicéas
Interrogé sur la recrudescence des attaques de bostryches, Eric Sonnay, également garde forestier du Groupement forestier Broye-Jorat, déplore ce phénomène. De gros foyers particulièrement virulents ont été assainis au fur et à mesure de leur découverte sur Vulliens, Ferlens, Carrouge, Corcelles et Oron, soit un total de 2500 m³ de bois. Les gardiens de la forêt surveillent attentivement leurs domaines. «Le bois atteint par le bostryche doit être abattu et évacué rapidement ou écorcé sur place, et les branches, brûlées dans la mesure du possible» signale le spécialiste. L’épicéa, principale essence attaquée par l’insecte, se défend lorsqu’il est sain et parvient à le faire périr. Aussi ce sont généralement les vieilles futaies ou celles en santé précaire qui sont les cibles principales. Cette année, avec les conditions météorologiques chaudes et sèches, même de jeunes bois ont été infestés. «J’ai même recensé pour la première fois des attaques d’un bostryche cousin moins répandu qui touche les arbres situés au sommet des crêtes», constate Eric Sonnay.
Le bostryche typographe est un petit coléoptère ravageur dont le mâle troue l’écorce, située sous le début des branches vertes, créant une chambre dans laquelle la femelle viendra faire des galeries et y déposer ses œufs fécondés. Les larves mettront 6 semaines pour devenir adultes et profiteront de ce laps de temps pour creuser à leur tour des couloirs avant de s’envoler et reproduire le cycle. Il peut y avoir jusqu’à 3 générations par an. A l’automne les insectes s’enfouissent dans le sol pour l’hiver. Le bostryche emmène avec lui un petit champignon qui a la particularité de colorer le bois en bleu, dévalorisant encore le prix de vente du bois. La valeur mécanique au niveau de la résistance ne change pas mais l’aspect bleuté est moins apprécié pour les charpentes apparentes. Le prix de ce bois déjà malmené avec le franc fort se voit encore abaissé de Fr. 30.– le m³, passant entre Fr. 110.– et Fr. 120.– le m³ à Fr. 80.– le m³ alors que dans les années 80 il se vendait entre Fr. 200.– et Fr. 220.– le m³. «On faisait de l’argent avec la forêt, maintenant il faut de l’argent pour faire la forêt», conclut le garde forestier.
2016 sera une année sous haute surveillance tant au niveau de l’étendue de la chalarose que de la prolifération des bostryches. L’avenir des forêts se fonde sur une gestion proche de la nature et sur la diversification des essences.