Un artiste suisse dans la guerre: Eugène Burnand
Frédérique Burnand | Le 12 janvier à la Maison Jaune de Cully, une cinquantaine de membres de l’Association du Vieux Lavaux (AVL) ont écouté avec un grand intérêt Frédérique Burnand, présidente de la Fondation du Musée Eugène Burnand, dans une conférence intitulée « Eugène Burnand et la Première Guerre mondiale ».
Eugène Burnand (1850-1921), artiste suisse, a passé la plus grande partie de sa vie en France, avec sa nombreuse famille. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il quitte son domicile parisien pour revenir en Suisse.
On aurait facilement tendance à croire qu’un artiste peintre vaudois, en relative sécurité dans la campagne moudonnoise, aurait pu dès lors se laisser vivre et peindre paisiblement, en attendant que passent les années de guerre. Mais il en ira tout autrement. Lecteur infatigable de la presse, avide des nouvelles, Eugène Burnand va vivre cette guerre doublement. D’une part, avec toute sa fibre francophile, il tiendra, dès le 1er août 1914 et presque au jour le jour, un volumineux Journal de guerre (longtemps réputé perdu et récemment retrouvé par miracle), dans lequel il rapporte l’actualité, la commente, s’interroge, raconte ses rencontres et sa correspondance avec tel ou tel homme politique, et porte un regard sans concession sur les positions helvétiques et les problèmes moraux qu’elles laissent apparaître sur le plan confédéral. D’autre part, si la plupart de ses fils sont mobilisés en Suisse, son cadet, naturalisé français, part pour la guerre. En outre, sa nombreuse parenté française est au cœur de ses préoccupations, qu’elle se trouve à l’arrière des zones de combat ou mobilisée, en la personne de ses neveux.
Coupé de sa base et de ses projets, il ne cessera pas de travailler pour autant: c’est à une série Visages et profils de chez nous qu’il œuvre dans son atelier de Sépey, jusqu’à ce que, en février 1917, le Conseil fédéral fasse appel à lui avec insistance et lui confie une mission diplomatique en France. C’est dès l’été 1917 que, pouvant librement circuler en France grâce à son passeport diplomatique, il va enfin pouvoir se mettre à un projet qui lui tient fortement à cœur depuis 1915 déjà : portraiturer les Poilus et les belligérants alliés de la France : 105 portraits seront publiés en volume en 1922, sous le titre Les Alliés dans la guerre des nations.
La grande majorité des originaux, propriété de la République Française, est, aujourd’hui encore, exposée au Musée de la Légion d’honneur à Paris.