La petite histoire des mots
Canicule

Georges Pop | Les épisodes caniculaires se sont enchaînés, au cours de ces dernières semaines, avec des pics inédits et précoces de températures, accompagnés de sécheresses et de feux de forêt dévastateurs dans plusieurs pays méditerranéens comme la France, l’Espagne ou le Portugal. Les spécialistes du climat sont formels : il va falloir s’habituer à la multiplication de ces épisodes suffocants qui témoignent de la réalité du réchauffement climatique, n’en déplaise aux climatosceptiques.
Voilà qui nous offre l’occasion de nous pencher sur l’ascendance pour le moins surprenante du mot « canicule ». Ce terme qui désigne une vague de chaleur accablante a tout simplement été emprunté au latin « canicula », qui signifie… « petite chienne » ! Il est le diminutif du mot « canis » qui veut dire « chien » ! Il faut savoir que dès le mois de juillet et pendant plusieurs semaines, l’étoile Sirius, quatrième objet le plus brillant de notre ciel après le Soleil, la Lune et la planète Venus, se lève au petit matin en même temps que notre astre du jour. Les anciens étaient persuadés que l’apparition de Sirius à proximité du Soleil avait un lien avec l’arrivée des grandes chaleurs. Les Romains attribuaient en effet à Sirius une influence malfaisante et rendaient l’astre responsable de nombreuses maladies causées, pensaient-ils, par la chaleur qu’il stimulait par sa proximité avec notre astre du jour. C’est ainsi qu’au Ier siècle, l’écrivain et naturaliste romain Pline l’Ancien, auteur d’une monumentale Histoire Naturelle, écrivit à propos de Sirius : « les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre : les mers bouillonnent à son lever, les vins fermentent dans les celliers et les eaux stagnantes s’agitent ».
Bien ! Mais quel rapport avec le monde canin ? Voici la réponse : les anciens Grecs avaient baptisé Sirius « Kúôn », en français « le Chien ». La constellation de cette brillante étoile prit du coup, chez les Latins, le nom de « Canis Major », autrement dit « le Grand Chien », nom qu’elle porte encore aujourd’hui. La « canicula » des Romains définissait donc la chaude période allant du 24 juillet au 24 août. Elle commençait par la fête de Neptunalia, en l’honneur du Dieu de la mer, Neptune, à qui l’on demandait de combattre la mauvaise influence de Sirius en lui sacrifiant des chiens roux, d’une couleur proche de celle du Soleil. Puis elle s’achevait par la fête de Vulcania, en l’honneur de Vulcain, le dieu du feu, que l’on était bien content de voir débarrasser le plancher pour permettre le retour d’une fraîcheur bienfaisante.
De nos jours, dans les régions tempérées, on parle de canicule lorsque les températures minimales sont de 35°C le jour et de 20°C la nuit. Ces valeurs sont évidemment variables selon la latitude des régions concernées. On sait désormais aussi que Sirius n’est en rien responsable de nos canicules, même si cette étoile blanche un peu plus grande et chaude que notre Soleil, qui est accompagnée d’un astre nain, invisible à l’œil nu, est l’une des plus proches de notre système solaire, à « seulement » 8,6 années-lumière de nous. Pour mémoire, une année-lumière correspond à quelque 10’000 milliards de km. C’est la distance que parcourt la lumière en une année à la vitesse de 300 mille kilomètres à la seconde. Bref ! Sirius est vraiment beaucoup trop loin pour exercer une quelconque influence sur notre climat…