Oron – Du chez soi au lieu de soin où il fait bon vivre
Un changement de paradigme au sein de la Fondation Résidence La Faverge

Pierre-André Goumaz, directeur de la Fondation Résidence La Faverge, à Oron-la-Ville | Pour bien comprendre ce changement de paradigme, de modèle, il est essentiel de s’arrêter sur l’histoire, notamment celle du 20e siècle, dans l’esprit de cet écrivain et théologien existentialiste danois, Søren Kierkegaard, qui a laissé cette pensée : « On ne peut comprendre la vie qu’en regardant en arrière ; on ne peut la vivre qu’en regardant en avant ». Si c’est un exercice difficile que de résumer 120 ans d’histoire socio-économico-médicale, en reprendre l’essentiel permet de mieux appréhender les enjeux et de tracer les contours de l’hébergement médico-social de demain.
Au début du 20e siècle, l’espérance de vie moyenne se situait à moins de 50 ans dans une société rurale où deux générations seulement se côtoyaient et dans laquelle on s’occupait des anciens soi-même, les personnes vulnérables et abandonnées étaient recueillies dans des asiles où le dévouement et la foi portaient l’action charitable.
Cette génération dite « silencieuse », se contente de ce qu’elle a et est fortement ancrée dans les valeurs telles que la fidélité, la fatalité et la famille.
Après la seconde guerre mondiale, l’accueil en asile évoqué mute vers les maisons de retraite ; on passe alors de l’assistance par charité face à la misère à la diffusion d’un accompagnement adapté face à des situations personnelles mieux cernées.
L’augmentation de l’espérance de vie ainsi qu’une nette amélioration économique de la population – notamment en raison de la mise en place du système du financement des retraites via l’AVS (1948) – conduisent à la présence d’une troisième génération.
Dès 1950, la reprise économique, l’augmentation de la population de 50 % depuis le début du siècle, conduisent aux fameuses « trente glorieuses » ; l’Etat providence finance généreusement les institutions sociales et la génération des baby-boomers fait son apparition.
Entre 1970 et 2000, le choc pétrolier vient remettre en question la prodigalité de l’Etat et bousculer la génération dite X en la confrontant au chômage, au HIV, à la mondialisation naissante et à l’implosion des cellules familiales alors qu’en parallèle les progrès de la médecine amènent une quatrième génération qui montre une perte d’autonomie sensible.
C’est dans cette période que l’éligibilité à l’institutionnalisation prend corps en cloisonnant les différents types d’hébergement, les financements et les missions (Gériatrie, Psychogériatrie, Psychiatrie) ; dès lors, la norme ne laisse que peu de place pour la différence, pourtant cruciale quand on parle d’humanité.
En parallèle, la LPP est mise en place (1985) et l’accueil intermédiaire – tels que le court-séjour ou les CAT – commencent à s’organiser.
L’accueil et l’accompagnement en institution sont alors centrés sur l’axe socio-hôtelier et peu voués aux soins dits techniques. On parle alors du chez soi, ou lieu de vie.
A l’aube du 21e siècle, le « demeurer à domicile » porté par les soins à domicile se développe de manière intensive pour favoriser le maintien dans le lieu de vie privé, ce qui repousse progressivement et inexorablement l’âge d’entrée en EMS et conduit ces derniers à s’adapter quant aux besoins liés aux 4e et 5e âges en développant et renforçant leur palette de soins.
A cette époque, les fondements des soins palliatifs actuels se mettent en place.
Au terme de ce retour dans le temps, nous revenons sur les activités de la Fondation Résidence La Faverge et à sa réalité.
En effet, depuis environ cinq ans la Résidence a constaté – en parallèle de l’augmentation de l’âge moyen des résidents – une nette progression des demandes d’accueil pour des personnes issues des « trente glorieuses » souffrant de nouvelles pathologies. C’est ce constat qui a conduit notre institution à faire évoluer ses buts (voir encadré) pour permettre d’accueillir ces situations atypiques orientées vers la Résidence La Faverge par les réseaux de soin (Brio, etc.).
A l’instant où nous écrivons ces lignes, la Fondation Résidence La Faverge accueille 7 % de résidents de moins de 65 ans et 93 % de résidents de plus de 65 ans dont 3 centenaires.
Force est de remarquer que l’ensemble de la population se fragilise et ce quel que soit son âge, ce qui a mené la Fondation Résidence La Faverge à se positionner comme un lieu de soin où il fait bon vivre, par opposition à un chez soi, ce dernier ne pouvant appartenir de fait qu’à la sphère privée (appartement classique ou logement protégé) et ce pour adapter sa vision à l’évolution du contexte socio-économico-politico-sanitaire récent et futur.
Par ailleurs, la conjonction de l’accueil d’une catégorie de personnes s’écartant de l’image que l’on se fait d’une institution telle que la Résidence La Faverge et les mesures sanitaires ont amené cette dernière à chercher le savant équilibre qui permet une autonomie légitime tout en répondant à un besoin accru en sécurité ; la mise en place d’un large périmètre marquant les limites de la parcelle par une prolongation de la clôture existante, dispositif amovible et totalement adaptable, a apporté une réponse à ces nouvelles données en offrant un filtre de sécurité isolant et en donnant accès aux résidents à un espace élargi tout en les protégeant de l’extérieur.
Depuis mars 2020, la Fondation a pour buts l’exploitation d’un établissement de gériatrie entrant dans le cadre de l’équipement
gériatrique cantonal ainsi que la construction, la création et la mise en place de toute
structure d’hébergement, d’accompagnement et de soutien en adéquation avec les besoins sociétaux touchant les personnes âgées et/ou fragilisées et/ou vulnérabilisées et/ou en situation de handicap sans distinction d’âge.
