Terminer en beauté
Jacqueline Jencquel – Editions Favre

Je vous parle du coronavirus la semaine passée, de la mort cette semaine … Certains vont se dire que je ne fais rien pour vous remonter le moral … Je ferai un effort la semaine prochaine, promis ! Quelque chose de plus léger, promis ! J’ai longtemps hésité avant de vous parler de ce livre. Il y a déjà quelques semaines que l’éditeur me l’a envoyé. J’hésitais, je le prenais, le reposais, lisais quelques pages, puis l’abandonnais. La mort met mal à l’aise, encore plus profondément dans ces temps de pandémie. Mais cet ouvrage n’a rien à voir avec les risques que nous encourons en ces temps difficiles, risques que nous pouvons modérer en appliquant les recommandations des autorités. Cet ouvrage parle de réussir sa mort comme on a à cœur de réussir sa vie. J’ai entendu l’autre jour en zappant une phrase qui m’a interpellée « l’important n’est pas de hercher ce qu’on fait dans la vie mais ce qu’on fait de sa vie ». J’aurais envie de dire que c’est important de réussir sa mort aussi quand on en a le temps. Ce qui n’est pas toujours possible. Je me suis toujours demandé quelle est la mort la plus réussie. On dit souvent de quelqu’un qui s’est endormi dans son sommeil qu’il a eu « une belle mort ». Je n’en suis pas si sûre. Certes, il n’y a pas les souffrances qui accompagnent une mort après une longue maladie, Mais quand on en a la lucidité, on peut se préparer, dire au revoir, faire la paix avec certains, mettre ses affaires en ordre. Quand la mort est foudroyante, il y a souvent des regrets dans le cœur des proches. Jacqueline Jencquel, qui a écrit ce livre, a eu une belle vie comme on dit. Née en Chine, de parents russes, elle a parcouru le monde et intégré des cultures différentes tout en gardant la sienne: russe et parisienne. Elle milite pour le droit de mourir dans la dignité, notamment au sein de l’ADMD France. Dans ce cadre, elle a accompagné des dizaines de personnes dans leur démarche finale. Elle sait donc de quoi elle parle. L’intention n’est pas de faire l’apologie du suicide assisté. Cette démarche n’est d’ailleurs pas à la portée de n’importe qui. Il faut pouvoir justifier d’une maladie grave et faire la preuve de sa lucidité au moment de la démarche. Elle a préféré y penser en amont, en parler avec des proches, envisager une date raisonnable, boire un coup, s’embrasser et rire en pleurant ? Ce n’est possible que si nous pouvons envisager notre départ et que nous ne sommes pas fauchés en pleine vie active. En lisant ce livre, j’ai repensé à un reportage sur un Fribourgeois, Jean je crois, atteint d’une maladie grave, qui se savait condamné, et qui avait choisi de partir au moment qu’il avait choisi lui. Quoique profondément émouvant, j’avais trouvé que cet homme était parti paisiblement, qu’il avait pu dire au revoir, il s’était endormi dans les bras de sa compagne … une belle mort. Lorsque notre vie touche à sa fin et s’accompagne de trop de douleurs, de problèmes de santé, de solitude ou de détérioration des sens, cela peut être au début, au milieu ou à la fin de l’hiver soit entre 75 et 100 ans, on devrait pouvoir prendre congé si on le souhaite. Ne pas être un fardeau pour soi ou pour ses proches, cela devrait être un choix pour tous, selon moi, nous dit l’auteure. Ce n’est en aucun cas un livre triste. Simplement un récit de vie d’une femme qui a bien vécu, et qui a réussi sa mort aussi bien qu’elle avait réussi sa vie.