Femmes atypiques
Une main de fer dans un gant de velours

Propos recueillis par Monique Misiego |Cette semaine, j’ai rencontré une policière que nous appellerons Juliette, pour ne pas lui causer d’ennuis avec sa hiérarchie. Un petit bout de femme super énergique et qui sait ce qu’elle veut.
Juliette, quel était le métier que vous vouliez faire quand vous étiez petite fille? et pourquoi ce métier?
Dès l’âge de 5 ans, je disais que je voulais être policière. Parce que j’ai toujours eu un sens de la justice très prononcé. J’adorais le droit. Je voulais pouvoir agir directement pour appliquer la loi. Etre sur le terrain, le faire de façon immédiate contrairement à un magistrat ou un avocat par exemple.
Avez-vous eu des difficultés à trouver un apprentissage?
Non pas du tout. Il faut savoir que nous devons trouver une police qui nous engage et ensuite nous pouvons nous présenter aux examens d’admission de l’école de Savatan où nous devons passer des tests physiques, psychologiques, psychométriques, des entretiens, des mises en situation. Mon dossier de base était bon, j’avais déjà un parcours professionnel, je parle plusieurs langues, donc c’était assez facile pour moi.
Avez-vous rencontré des difficultés au niveau physique pour exercer votre métier?
Non pas vraiment parce que je suis assez sportive et j’ai du caractère donc je m’affirme. Mais c’est clair qu’en tant que fille dans la police on doit faire sa place par rapport aux collègues masculins.
Avez-vous été victime de préjugés ou avez-vous essuyé des remarques sexistes,
ou même du harcèlement comme il en est question dans un livre à paraître ces jours?
Je n’ai pas entendu parler de ce livre. Dans ma volée, nous étions une trentaine de filles sur 180 élèves. Il faut savoir que certaines filles essayent d’user de leurs charmes et cela dessert fortement la cause féminine et nous discrédite. Mais je n’ai jamais entendu parler de plaintes pour harcèlement ou pour un comportement déplacé. Après, il y a toujours des gags sexistes, mais je n’y prête pas attention et ça ne se reproduit pas une seconde fois en général.
Est-ce qu’il y a une différence de traitement entre vous et vos collègues masculins?
Il n’y a pas de différence de traitement au niveau des supérieurs. Par contre, certains collègues masculins essayent ouvertement de nous draguer mais s’ils se heurtent à notre indifférence, ils passent à la suivante. A part cela, certains auront tendance à nous protéger et à passer devant quand nous sommes en intervention et qu’il peut y avoir danger. Ça peut être vexant mais ça part d’un bon sentiment. Il y a aussi une différence quand mes collègues féminines deviennent mamans mais en général ce sont elles qui demandent à occuper des postes administratifs, ce qui se comprend.
Et au niveau des clients, ça se passe comment?
Là, c’est plus problématique parce que nous avons affaire à une population multiculturelle. Certaines ethnies, qui refusent de nous serrer la main, mais cela n’est pas trop grave, refusent d’obtempérer ou de nous donner leurs papiers. Certains refusent même de nous adresser la parole. Sur le terrain, si une situation est tendue avec la population en présence, nous faisons en sorte si c’est possible que le policier interroge la femme et que la policière interroge l’homme, pour ne pas rentrer dans un effet de concurrence ou de compétition. Mais ça n’est pas toujours applicable. Si nous sommes confrontés à une clientèle exclusivement masculine par exemple, nous parons au plus pressé.
Au niveau des salaires dans la branche, est-ce qu’il y a égalité?
Oui absolument. La ville de Lausanne applique l’égalité salariale.
Que pensez-vous de la situation des femmes aujourd’hui?
Je pense qu’il manque de femmes dans la hiérarchie, en tout cas dans la police. Sur un effectif de 400 agents en uniforme et 200 agents en civil, il n’y a que 2 femmes officières en civil. Au niveau des cadres, il n’y a que 3 femmes qui ne sont pas officières. Le pourcentage est mince.
Pensez-vous qu’il y a encore du travail ?
Oui je pense qu’il faut favoriser le travail à temps partiel tant pour les femmes que pour les hommes pour que les tâches puissent être partagées équitablement. Cela pourrait être favorable aussi pour la garde des enfants si les deux parents peuvent travailler à temps partiel. Nous devons encore lutter pour être prises au sérieux. Dans certains secteurs hors de la police, les différences de salaire sont encore importantes. Vous me dites que c’est inscrit dans la constitution et qu’une loi a été mise en place pour son application en 1986. Pourquoi cette loi n’est-elle toujours pas appliquée? De même pour le harcèlement de rue, qu’il faut absolument combattre et les violences domestiques que nous rencontrons encore trop fréquemment, à raison de 3 ou 4 cas par semaine rien que pour la ville de Lausanne.
Etes-vous au courant qu’il y aura une grève des femmes en Suisse le 14 juin 2019?
Non, je ne savais pas mais je pense que c’est bien. Si les femmes ont des revendications, qu’elles le disent haut et fort. Je vais d’ailleurs faire de mon mieux pour appuyer cette grève.
Quelles revendications vous paraissent primordiales?
L’égalité salariale en premier, le respect des femmes et la fin des violences domestiques.